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note sur les évêques du puy

mais, après la mort de Charlemagne, le système du grand homme s’en alla en poudre : les évêques reprirent leurs privilèges, augmentés encore par ce besoin instinctif d’ordre, qui est le salut des temps orageux.

Il en fut de même pour la féodalité, dont les accroissements renforcèrent, en définitive, la domination urbaine des évêques. L’Église fut conviée par les seigneurs au renversement du pouvoir central : les évêques subirent l’alliance de l’aristocratie terrienne, et, malgré quelques hésitations honorables, dont notre cartulaire de saint Chaffre offre le témoignage, firent taire leurs tendresses pour la dynastie carlovingienne et concoururent au mouvement irrésistible qui aboutit à l’avénement de Hugues Capet (987). La féodalité ne pouvait prendre corps et assiette qu’avec la participation de l’épiscopat, mais, dès que le nouveau régime eut été installé sur les débris de la monarchie centralisatrice, une scission inévitable éclata dans les rangs des coalisés. Le système féodal se composait de deux forces antipathiques : l’évêque et le baron. Les deux éléments rivaux entrèrent en lutte au lendemain du commun triomphe. Cet antagonisme, on le voit partout dans l’Europe des IXe et Xe siècles ; partout il aboutit au même résultat : le comte, dans les villes, cède la place à l’évêque, mais, dans les campagnes, la noblesse laïque garde le dessus. Un écrivain d’une perspicacité rare, Ferrari, dans son livre sur les Révolutions d’Italie, peint à grands traits cette guerre intestine, qui troubla les premières heures de la féodalité victorieuse. Cet historien constate, en Allemagne, en Italie, en France, le même phénomène qu’il appelle, à juste titre : la Révolution des évêques. C’est, en effet, le signe invariable de ce temps : du nord au midi, en Gaule, comme au sein des plus petites républiques italiennes, l’évêque détrône le comte dans les cités. On conçoit la préférence des populations urbaines pour une domination plus douce, plus intelligente, ennoblie par le prestige religieux. Suzerain pour suzerain, les habitants des villes allaient droit au pasteur spirituel, dont la houlette féodale pesait moins sur leurs épaules.

Tome II, 1881.
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