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LES FOINS

— Oui, mais c’en était deux fameux, au fauchage. Vous vous souvenez, père, de la corvée de l’année dernière, quelques mois avant le départ de Paul pour le régiment ? Il vous a abattu sa « planche » dans l’heure ; tous les gens du rang, vous et moi, étions bien loin en arrière de lui quand il a crié, joyeux : Fini-ni-ni !… J’étais un peu jaloux ; je ne le félicitai pas comme les autres. Demain, il me semble que si la chose se répétait, j’embrasserais mon frère. Voyez-vous, Paul nous serait d’un si grand secours dans la Prairie du Ruisseau qu’il nous faut abattre toute dans la journée.

— Mon pauvre garçon, qu’est-ce que tu veux qu’on y fasse ; ton frère a voulu servir son pays comme il l’entend ; il s’est fait soldat. Toi…

— Moi, je suis resté un simple paysan, un pauvre cultivateur, un toucheur de bœufs et j’entends être aussi utile à mon pays, répliqua André avec une énergique âpreté.

— Chacun son goût, André… N’importe, je suis tout de même un peu inquiet de ton frère ; depuis que nous avons reçu ce message qui nous annonçait que Paul avait été blessé nous n’avons plus aucune nouvelle de lui ; ça m’inquiète, ce silence…