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bien moins la cause que l’effet de la division du travail. Les talens les plus dissemblables, tels que ceux d’un philosophe & d’un porte-faix, ne semblent pas autant l’ouvrage de la nature que le produit de l’habitude, de l’exemple, & de l’éducation. Au moment de leur naissance, ainsi que durant les premières années de leur vie, il régnoit entr’eux une telle ressemblance, que les auteurs de leurs jours & les témoins de leurs jeux auroient eu de la peine à saisir dans l’esprit de ces deux individus quelques traits qui les distinguassent. Vers la huitième année, ou bientôt après, ces enfans se livrèrent à des occupations contraires ; la différence vint ensuite se laisser entrevoir ; elle s’accrut par degrés, jusqu’à ce qu’enfin la vanité du philosophe n’a plus voulu reconnoître la moindre conformité. Mais, sans ce penchant qui est en nous pour les trocs & pour les échanges, chacun de ces êtres eût été forcé de pourvoir lui-même aux nécessités de la vie ; tous les deux auroient eu les mêmes devoirs à remplir, le même ouvrage à faire ; & l’on n’auroit point vu la différence des occupations, qui seule peut enfanter la différence des talens.