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domaines particuliers) est une branche du revenu général de la société, qui se trouve ainsi détourné pour un objet fort étranger à la dépense de l’État.

La dîme, par exemple, est un véritable impôt territorial qui ôte aux propriétaires des terres la faculté de pouvoir contribuer aussi largement qu’ils pourraient le faire sans cela à la défense publique. Or, la rente de la terre est, suivant quelques personnes, la source unique, et suivant d’autres, la source principale qui fournit en dernier résultat de quoi pourvoir aux besoins de l’État dans toutes les grandes monarchies. Plus il va de cette source à l’Église, moins sans contredit on en peut réserver pour l’État. On peut poser comme maxime certaine que, toutes choses supposées égales d’ailleurs, plus l’Église est riche, plus nécessairement alors ou le souverain ou le peuple sera pauvre et, dans les deux cas, l’État nécessairement moins capable de se défendre. Dans plusieurs pays protestants, et particulièrement dans tous les cantons suisses protestants, avec les revenus qui appartenaient anciennement à l’Église catholique romaine, les dîmes et les biens-fonds ecclésiastiques, on a pu former un fonds suffisant, non-seulement pour fournir des salaires convenables au clergé, mais pour défrayer encore, avec peu ou point d’addition, toutes les autres dépenses de l’État. Les magistrats du puissant canton de Berne, en particulier, ont accumulé sur les épargnes de ce fonds une très-forte somme qu’on croit monter à plusieurs millions, dont partie est déposée dans un trésor public, et partie placée à intérêt, dans ce qu’on appelle les fonds publics, chez différentes nations de l’Europe qui sont grevées d’une dette, principalement celles de France et d’Angleterre. Je ne prétends pas savoir à quoi peut monter le total de ce que coûte à l’État l’église de Berne ou de tout autre canton protestant. Il paraît, d’après un compte très-exact, que la totalité du revenu de l’église d’Écosse, y compris la glèbe ou les biens-fonds ecclésiastiques, ainsi que la rente de leurs manses ou maisons d’habitation, portée à une évaluation raisonnable, se montait, en 1755, à une somme de 68,514 livres 1 sch. 5 deniers 1/12 seulement. Ce revenu très-modique fournit une subsistance décente à neuf cent quarante-quatre ministres. Toute la dépense de l’église, y compris ce qu’il fallut allouer accidentellement pour constructions et réparations des églises et des maisons de ministres, ne peut être censée aller fort au-delà de 80 ou 85,000 livres par an.

L’Église la plus opulente du monde chrétien ne maintient pas mieux l’uniformité de croyance, la ferveur de la dévotion, l’esprit d’ordre, la bonne conduite et la sévérité de mœurs