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Europe qu’elle ne le serait sans cela, et que chaque pièce d’argent monnayé sert à acheter une plus grande quantité de travail et de marchandises. Le premier de ces deux effets est un bien petit mal ; l’autre est un bien léger avantage ; l’un et l’autre sont trop peu importants pour mériter en aucune façon l’attention publique. Le commerce de l’Inde, en ouvrant un marché aux marchandises de l’Europe, ou ce qui revient à peu près au même, à l’or et à l’argent que ces marchandises achètent, doit tendre nécessairement à augmenter la production annuelle des marchandises de l’Europe et, par conséquent, la richesse et le revenu réel de cette partie du monde. Si jusqu’à présent il a causé si peu d’augmentation dans ce produit annuel, il faut vraisemblablement l’attribuer aux entraves dont on a partout accablé ce commerce[1].

J’ai cru nécessaire, au risque même d’être trop long, d’examiner dans tous ses détails cette idée populaire, que la richesse consiste dans l’argent ou dans l’abondance des métaux précieux. Dans le langage vulgaire, comme je l’ai observé, argent veut souvent dire richesse, et cette ambiguïté d’expression nous a rendu cette idée populaire tellement familière, que ceux même qui sont convaincus de sa fausseté sont à tout moment sur le point d’oublier leur principe et, entraînés dans leurs raisonnements, à prendre ce préjugé pour une idée reçue et reconnue comme une vérité certaine et incontestable. Quelques-uns des meilleurs auteurs anglais qui ont écrit sur le commerce partent d’abord de ce principe, que la richesse d’un pays ne consiste pas uniquement dans son or et son argent, mais qu’elle consiste dans ses terres, ses maisons et ses biens consommables de toutes sortes. Néanmoins, dans la suite de leurs discussions, il semble que les terres, les maisons et les biens consommables leur sortent de la mémoire, et la nature de leurs arguments parait souvent supposer qu’ils font consister la richesse dans l’or et dans l’argent, et qu’ils regardent la multiplication de ces métaux comme l’objet capital de l’industrie et du commerce national.

Toutefois, ces deux principes une fois posés, que la richesse consistait dans l’or

  1. Le monopole du commerce des Indes accordé à une compagnie privilégiée doit nécessairement empêcher son développement ; mais quand même ces restrictions auraient cessé, la grande distance entre les deux pays rendrait toujours les relations commerciales très-difficiles*. Buchanan.

    *. Ce commerce est aujourd’hui libre et la distance diminuée de plus de moitié par l’isthme de Suez. A. B.