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d’hui dans l’escrime, en pratiquant, non en grands corps de troupes, mais individuellement et séparément, dans une école particulière, sous un maître particulier, ou bien avec quelques égaux et quelques camarades. Depuis l’invention des armes à feu, la force et l’agilité du corps, et même une dextérité et une agilité extraordinaires dans l’usage des armes, sont d’une moindre utilité, quoiqu’il s’en faille de beaucoup cependant qu’on doive les compter pour rien. Par la nature de l’arme, si le maladroit n’est nullement au niveau de l’homme habile, il s’en trouve toutefois moins éloigné qu’il ne l’était jadis. On suppose que toute l’habileté et toute la dextérité nécessaires pour l’usage de cette arme peuvent s’acquérir assez bien en s’exerçant par grands corps de troupes.

La régularité, l’ordre et la prompte obéissance au commandement sont, dans les armées modernes, des qualités d’une plus grande importance pour décider du sort des batailles, que l’habileté et la dextérité du soldat au maniement de ses armes[1]. Mais le fracas et la fumée des armées à feu, cette mort invisible à laquelle tout homme se sent exposé aussitôt qu’il arrive à la portée du canon, et longtemps avant qu’on puisse bien dire que la bataille est engagée, doivent rendre extrêmement difficile de maintenir à un certain point, même dès le commencement de nos batailles modernes, cette régularité, cet ordre et cette prompte obéissance. Dans les batailles anciennes, il n’y avait pas d’autre grand bruit que les cris des combattants ; il n’y avait pas de fumée, point de ces coups invisibles qui portent la mort ou les blessures. Tout homme, jusqu’au moment où quelque arme mortelle venait à l’approcher, voyait clairement qu’il n’avait rien auprès de lui qui menaçât sa vie. Dans cet état de choses, et avec des troupes qui avaient quelque confiance dans leur habileté et leur adresse à manier leurs armes, il devait être infiniment moins difficile de maintenir un certain degré d’ordre et de régularité, non-seulement dans le commencement, mais même dans tout le cours de ces batailles anciennes, et jusqu’à ce que l’une des deux armées fût en pleine déroute. Mais l’habitude de cette

  1. Cette distinction entre la guerre ancienne et la guerre moderne nous parait tout à fait imaginaire. Rien, assurément, ne pouvait être plus terrible que le choc dans les batailles anciennes, et pour que les soldats tinssent ferme dans cette rencontre terrible, il fallait que les habitudes d’ordre et de discipline fussent aussi fortes que dans les temps modernes. Buchanan.