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du commerce étranger du pays, tandis que le commerce particulier des agents peut s’étendre à toutes les branches différentes, tant du commerce intérieur du pays que de son commerce étranger. Le monopole de la Compagnie ne peut tendre à rien de plus qu’à étouffer la croissance naturelle de cette partie du produit qui serait exportée en Europe en cas de liberté du commerce. Le monopole des agents tend à étouffer la croissance naturelle de toute espèce de produit sur laquelle il leur plaira de trafiquer, de celle destinée pour la consommation du pays aussi bien que de celle qui est destinée pour l’exportation et, par conséquent, tend à dégrader la culture générale du pays et à diminuer la population ; il tend à réduire toutes les espèces de productions, même celles nécessaires aux besoins de la vie (s’il plaît aux agents de la Compagnie de trafiquer sur ces articles), aux quantités seulement que ces agents peuvent suffire à acheter, avec la perspective de les revendre au profit qui leur convient.

De plus, par la nature même de leur position, les agents doivent être plus portés à soutenir, avec rigueur et avec dureté, leurs intérêts personnels contre l’intérêt du pays qu’ils gouvernent, que leurs maîtres n’y seraient disposés pour soutenir les leurs. C’est à ces maîtres qu’appartient le pays, et ceux-ci ne peuvent s’empêcher d’avoir quelque ménagement pour la chose qui leur appartient. Mais le pays n’appartient pas aux agents. Le véritable intérêt de leurs maîtres, si ceux-ci étaient bien en état de l’entendre, est le même que celui du pays[1], et s’ils l’oppriment, ce ne peut être jamais que par ignorance et par suite de leurs misérables préjugés mercantiles. Mais l’intérêt réel des agents n’est nullement le même que celui du pays et, à quelque point qu’ils vinssent à s’éclairer, il n’en résulterait pas pour cela nécessairement un terme à leurs oppressions. Aussi, les règlements qui ont été envoyés d’Europe, quoiqu’ils fussent souvent mauvais, annonçaient ordinairement de bonnes intentions ; mais dans ceux qui ont été faits par les agents dans l’Inde, on a pu remarquer quelquefois plus d’intelligence et peut-être des intentions moins bonnes. C’est un gouvernement d’une

  1. L’intérêt d’un propriétaire d’action dans les fonds de la Compagnie des Indes n’est pourtant nullement le même que celui du pays dans le gouvernement duquel il a de l’influence par son droit de suffrage. (Voy. liv. V, chap. 1er, sect. 3e) (Note de l’auteur.)