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importance personnelle, dont ils prévoyaient bien le terme au moment où l’ancien gouvernement viendrait à être rétabli. À moins que l’on n’amène nos colonies à consentir à une union, il est très-probable qu’elles se défendront contre la meilleure des mères patries avec autant d’opiniâtreté que s’est défendu Paris contre un des meilleurs rois.

La représentation était une idée inconnue dans les temps anciens. Quand les gens d’un État étaient admis au droit de citoyen dans un autre, ils n’avaient pas d’autre manière d’exercer ce droit que de venir en corps voter et délibérer avec le peuple de cet autre État. L’admission de la plus grande partie des habitants de l’Italie aux privilèges de citoyen romain amena la ruine totale de la république. Il ne fut plus possible de distinguer celui qui était citoyen romain de celui qui ne l’était pas. Une tribu ne pouvait plus reconnaître ses membres. Un ramas de populace de toute espèce s’introduisit dans les assemblées nationales ; il lui fut aisé d’en chasser les véritables citoyens et de décider des affaires, comme s’il eût composé lui-même la république. Mais quand l’Amérique aurait à nous envoyer cinquante ou soixante nouveaux représentants au parlement, l’huissier de la Chambre des communes n’aurait pas pour cela plus de peine à distinguer un membre de la chambre d’avec quelqu’un qui ne le serait pas. Ainsi, quoique la constitution de la république romaine ait dû nécessairement trouver sa ruine dans l’union de Rome avec les États d’Italie, ses alliés, il n’y a pas pour cela la moindre probabilité que la constitution britannique ait quelque échec à redouter de l’union de la Grande-Bretagne avec ses colonies. Cette union, au contraire, serait le complément de la constitution, qui, sans cela, paraîtra toujours imparfaite. L’assemblée qui délibère et prononce sur les affaires de chaque partie de l’empire devrait certainement, pour être convenablement éclairée, avoir des représentants de chacune de ces parties. Je ne prétends pourtant pas dire que cette union soit une chose très-facile à réaliser, ou que l’exécution ne présente pas des difficultés et de grandes difficultés. Toutefois, je n’en ai entendu citer aucune qui paraisse insurmontable. Les principales ne viennent pas peut-être de la nature des choses, mais des opinions et des préjugés qui dominent tant de ce côté-ci que de l’autre de l’océan Atlantique.

De ce côté, nous avons peur que le grand nombre de représentants que donnerait l’Amérique ne vînt à détruire l’équilibre de la constitution, en ajoutant trop ou à l’influence de la couronne sur l’un des côtés