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chandise qui se transporte plus facilement d’un lieu à un autre ; des lieux où ils sont à bas prix, à ceux où ils se vendent plus cher ; des lieux où ils excèdent la demande effective, aux lieux où ils sont au-dessous de cette demande. S’il y avait, par exemple en Angleterre, une demande effective pour une nouvelle quantité d’or, un paquebot pourrait apporter de Lisbonne, ou de toute autre part où l’on pourrait s’en procurer, une charge de cinquante tonneaux d’or, avec lequel on frapperait plus de cinq millions de guinées. Mais s’il y avait une demande effective de grains pour la même valeur, l’importation de ces grains, sur le pied de cinq guinées par tonneau, exigerait un million de tonneaux d’embarquement, ou bien mille bâtiments du port de mille tonneaux chacun ; la marine d’Angleterre n’y pourrait pas suffire.

Quand la quantité d’or et d’argent importée dans un pays excède la demande effective, toute la vigilance du gouvernement ne saurait en empêcher l’exportation. Toutes les lois sanguinaires de l’Espagne et du Portugal sont impuissantes pour retenir dans ces pays leur or et leur argent. Les importations continuelles du Pérou et du Brésil excèdent la demande effective de l’Espagne et du Portugal, et y font baisser le prix de ces métaux au-dessous de celui des pays voisins. Au contraire, si leur quantité dans un pays se trouve au-dessous de la demande effective, de manière à faire monter leur prix au-dessus de ce qu’il est dans les pays voisins, le gouvernement n’a pas besoin de se mettre en peine pour en faire importer ; il voudrait même empêcher cette importation, qu’il ne pourrait pas y réussir. Quand les Spartiates eurent gagné de quoi acheter de ces métaux, l’or et l’argent surent bien se faire jour à travers toutes les barrières que les lois de Lycurgue opposaient à leur entrée dans Lacédémone. Toute la rigueur du code des douanes[1] ne saurait empêcher l’importation du thé des compagnies des Indes, de Hollande et de Gothembourg, parce que ce thé est un peu à meilleur marché que celui de la compagnie anglaise. Cependant, une livre de thé a environ cent fois autant de volume que le prix le plus cher qu’on en paye ordinairement en argent, qui est 16 schellings, et plus de deux mille fois le volume du même prix en or ; par conséquent, elle est tout autant de fois plus difficile à passer en fraude.

C’est en partie à cause de la facilité qu’il y a à transporter l’or et l’ar-

  1. Les droits de douane en Angleterre n’ont lieu qu’à l’entrée et à la sortie du royaume : ils répondent à ce qu’on nommait en France, traites foraines.