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trouvons tous les arts de la civilisation, la philosophie, la poésie et l’éloquence, cultivés d’aussi bonne heure, et portés à un aussi haut degré de perfection que dans tout autre endroit de la mère patrie. Il est remarquable que les écoles des deux plus anciens philosophes grecs, celles de Thalès et de Pythagore, ne furent pas fondées dans l’ancienne Grèce, mais que l’une le fut dans une colonie d’Asie, et l’autre dans une colonie d’Italie. Toutes ces colonies s’étaient établies dans des pays habités par des peuples barbares, qui cédèrent bientôt la place aux nouveaux colons. Elles avaient de bonnes terres en abondance, et comme elles étaient entièrement indépendantes de la mère patrie, elles avaient la liberté de diriger leurs affaires de la manière qu’elles jugeaient la plus conforme à leur intérêt.

Il s’en faut bien que l’histoire des colonies romaines soit aussi brillante. Quelques-unes d’elles, à la vérité, telles que Florence, sont parvenues, dans une période de plusieurs siècles, et après la chute de la mère patrie, à former un État considérable ; mais il ne paraît pas que les progrès d’aucune d’elles aient été très-rapides. Elles furent toutes établies dans les provinces conquises, qui le plus souvent avaient été auparavant pleinement habitées. La portion de terre assignée à chaque colon fut rarement très-considérable ; et comme la colonie n’était pas indépendante, elle n’eut pas toujours la liberté de conduire ses affaires de la manière qui lui aurait paru le plus à son avantage.

Du côté de l’abondance des bonnes terres, les colonies européennes établies en Amérique et dans les Indes occidentales ressemblent à celles de l’ancienne Grèce, et même l’emportent beaucoup sur elles. Du côté de la dépendance de la métropole, elles ressemblent à celles de l’ancienne Rome ; mais le poids de cette dépendance a été, pour toutes, plus ou moins allégé par leur grand éloignement de l’Europe ; à une telle distance, elles se sont trouvées moins sous les yeux et sous la puissance de leur mère patrie. Quand elles ont cherché à diriger leurs affaires d’après leurs propres vues, elles n’ont eu le plus souvent aucune inspection à subir, parce qu’en Europe on ignorait leur conduite, ou qu’on n’en comprenait pas l’objet ; dans quelques autres circonstances, on les a tout simplement laissées faire ; et comme, attendu l’éloignement, il était difficile de les contraindre, on s’est vu réduit à plier. Le gouvernement d’Espagne lui-même, tout arbitraire et violent qu’il est, a bien été obligé, en maintes occasions, de révoquer ou de modifier les ordres qu’il avait donnés pour le régime de ses colonies, et il a cédé à la crainte