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blement, dans les années de leur âge le plus tendre, et quand ils sont tous élevés, la valeur de leur travail rembourse fort au-delà la dépense de leur entretien. Arrivés à leur pleine croissance, le haut prix du travail et le bas prix des terres les mettent à même de s’établir de la même manière que leurs pères l’ont fait avant eux.

Dans les autres pays, la rente et les profits s’accroissent aux dépenses des salaires et les réduisent presque à rien, en sorte que les deux classes supérieures écrasent la dernière ; mais dans les colonies nouvelles, les deux premières classes se trouvent obligées, par leur propre intérêt, à traiter la classe inférieure avec plus d’humanité et de générosité, au moins dans les colonies où cette dernière classe n’est pas dans un état d’esclavage. On y peut acquérir presque pour rien des terres incultes que la nature a douées de la plus grande fertilité. L’augmentation du revenu qu’attend de leur amélioration le propriétaire, qui est toujours l’entrepreneur de la culture, est ce qui constitue son profit, et dans de telles circonstances ce profit est ordinairement très-fort ; mais il ne peut faire ce grand profit sans mettre en œuvre le travail d’autrui pour défricher et cultiver la terre, et la disproportion qui a lieu, pour l’ordinaire, dans les colonies nouvelles, entre la grande étendue de terre à cultiver et le petit nombre d’habitants, est cause qu’il ne peut se procurer ce travail qu’avec difficulté. Il ne dispute donc pas sur le taux des salaires, car il est disposé à employer le travail à tout prix. Les hauts salaires du travail sont un encouragement à la population. La grande quantité de bonnes terres et leur bon marché excitent à faire des améliorations et mettent le propriétaire en état de payer ces hauts salaires. C’est dans cette élévation des salaires que consiste presque tout le prix que coûte la terre, et quoiqu’ils soient très-forts, considérés comme salaires de travail, ils sont toutefois encore très-bas, considérés comme le prix d’une chose qui a tant de valeur. Or, ce qui encourage la culture et la population amène véritablement l’opulence et la prospérité.

Ainsi paraît-il que les progrès de la plupart des anciennes colonies grecques, en agrandissement et en opulence, ont été extrêmement rapides ; plusieurs d’elles, dans le cours d’un siècle ou deux, ont, à ce qu’il semble, rivalisé et même surpassé leur mère patrie. Syracuse et Agrigente en Sicile, Tarente et Locres en Italie, Éphèse et Milet dans l’Asie Mineure, paraissent, d’après tous les témoignages que nous en avons, avoir été au moins les égales de quelque ville que ce soit de l’ancienne Grèce. Quoique fondées postérieurement, cependant nous y