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à rechercher ce que c’est que ce prix naturel, et d’après quelles lois il s’établit.

Ces assertions et quelques autres du même genre, incapables de soutenir un examen un peu réfléchi, n’eurent guère d’autres partisans que ceux qui les avaient imaginées. Mais, depuis peu d’années, il s’est élevé en Angleterre une opinion sur le prix du blé en argent, qui n’a pas laissé de prendre quelque crédit, parce qu’elle a été soutenue par des écrivains dont le nom porte avec soi une sorte d’autorité, et peu à peu elle s’est assez étendue pour acquérir de la consistance et même pour se donner le nom de nouvelle école. Cette théorie, comme beaucoup d’autres, dut sa naissance à l’impuissance dans laquelle on se trouva de donner une explication raisonnable à certains phénomènes extraordinaires, et faute de pouvoir rattacher des faits aux principes, on créa un principe exprès pour les faits.

On a vu qu’aucune législation ne se montra plus mobile ni plus incohérente que celle de l’Angleterre sur ce qui concerne le commerce des grains. Après avoir pendant longtemps tiré du commerce étranger une grande partie de son approvisionnement annuel en subsistances, le gouvernement, peu après la révolution de 1688, prit le parti d’encourager la culture du blé dans l’intérieur, et même de provoquer l’exportation au dehors d’une partie du produit, par une gratification accordée sur chaque mesure exportée. Ce régime dura jusqu’au milieu du siècle dernier, et il est à croire que, tant qu’il fut maintenu, il n’y eut guère dans ce pays de terres propres à la culture qui ne fussent consacrées à la production des grains, tant à cause du bon prix que l’exportation soutenait au dedans, que par l’espoir de gagner la gratification s’il y avait lieu.

Toutefois le payement de la gratification devint à la fin tellement onéreux pour le trésor, qu’on renonça à cette mesure. Quelques années ensuite, il s’éleva à ce sujet une très-vive controverse entre le docteur Price d’une part et le célèbre cultivateur Arthur Young ; le premier soutenait qu’un pays ne devait jamais se mettre, pour sa propre subsistance, dans la dépendance du commerce ou de la production étrangère, et que l’emploi le plus avantageux qu’il pût faire de ses terres labourables était de leur faire produire du blé pour la consommation de ses habitants. Son adversaire prétendait au contraire que le meilleur système que pût adopter l’administration,