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térêt de 10 pour 100 à 5, nous donnons, pour l’usage d’un capital qu’on suppose égal à la moitié de sa première valeur, un intérêt qui ne vaut plus que le quart du premier intérêt.

Toute augmentation survenue dans la quantité de l’argent, tant que la quantité des marchandises qu’il fait circuler reste la même, ne pourrait produire d’autre effet que de diminuer la valeur de ce métal[1]. La valeur nominale de toute espèce de choses serait plus grande, mais leur valeur réelle serait précisément la même qu’auparavant. Elles s’échangeraient contre un plus grand nombre de pièces d’argent qu’auparavant, mais la quantité de travail qu’elles pourraient commander, le nombre de gens qu’elles pourraient faire subsister et tenir employés, serait toujours précisément le même. Le capital du pays serait toujours le même, encore que, pour en transporter la même portion d’une main à l’autre, il fallût un plus grand nombre de pièces d’argent. Les instru-

  1. Le législateur est rarement intervenu dans la fixation du prix des marchandises autres que l’argent, et le peu qu’il ait jamais fait à cet égard se recommande beaucoup plus par la droiture de l’intention que par la rectitude du jugement ou le succès de l’entreprise. Placer de l’argent à intérêt, c’est échanger de l’argent actuel contre de l’argent futur. Il s’agirait de montrer maintenant comment un système universellement considéré comme absurde, en tant qu’appliqué aux échanges en général, pourrait être jugé nécessaire dans le cas de cette espèce particulière d’échange. Il n’existe point de dénomination spéciale de marque d’infamie pour celui qui tire le plus de parti possible de l’usage qu’il concède de toute autre chose que de l’argent, d’une maison, par exemple ; personne n’éprouve de honte de se conduire ainsi, et il n’est pas ordinaire de voir affichée la prétention contraire : comment se fait-il donc qu’un homme qui cherche à faire valoir une somme d’argent de la manière la plus avantageuse, à en tirer 6, 7 ou même 10 pour 100, mérite plutôt, dans ce cas, le nom flétrissant d’usurier, que dans celui où, achetant une maison avec la même somme, il tirerait de ce marché un bénéfice équivalent ? J’avoue que, pour mon compte, c’est ce que je ne saurais comprendre.
    Ce que je ne conçois pas davantage, c’est pourquoi le législateur a plutôt limité le taux de l’intérêt quant au maximum qu’au minimum, pourquoi il s’est montré plutôt hostile envers la classe des propriétaires d’argent qu’envers toute autre ; pourquoi il s’est plutôt proposé de les empêcher de faire au delà d’un certain bénéfice que de les empêcher d’en faire un moindre ; pourquoi, en un mot, il n’a pas aussi bien porté des peines contre celui qui offrirait un intérêt moindre que 5 pour 100, que contre celui qui accepterait un intérêt plus élevé. J’abandonne à d’autres le soin de résoudre ces difficultés, car, pour moi, c’est beaucoup plus que je ne saurais faire. Bentham.