Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/508

Cette page a été validée par deux contributeurs.

der sont, en général, paresseuses et pauvres. Rouen et Bordeaux semblent devoir absolument à leur situation leur grand commerce. Rouen est nécessairement l’entrepôt de presque toutes les marchandises que les pays étrangers ou les provinces maritimes de France fournissent à la consommation immense de Paris. Bordeaux est de même l’entrepôt des vins récoltés le long de la Garonne et des rivières qui se jettent dans ce fleuve, l’un des vignobles les plus riches du monde, et qui paraît produire le vin le plus propre à l’exportation ou le plus conforme au goût des nations étrangères. Des situations aussi avantageuses attirent nécessairement un grand capital par le grand emploi qu’elles lui offrent, et l’emploi de ce capital est la source de l’industrie qui règne dans ces villes. Dans les autres villes de parlement en France, il paraît qu’on n’y emploie guère plus de capital que ce qu’il en faut pour entretenir la consommation du lieu, c’est-à-dire guère plus que le moindre capital possible. On peut dire la même chose de Paris, de Madrid et de Vienne : de ces trois villes, Paris est sans contredit la plus industrieuse ; mais Paris est lui-même le principal marché de toutes ses manufactures, et sa propre consommation est le grand objet de tout le commerce qui s’y fait[1]. Londres, Lisbonne et Copenhague sont peut-être les trois seules villes de l’Europe qui, étant la résidence permanente d’une cour, puissent en même temps être regardées comme villes commerçantes ou comme villes faisant le commerce, non-seulement pour leur propre consommation, mais encore pour celle des autres villes et des autres pays. Leur situation à toutes trois est extrêmement avantageuse, et est naturellement propre à en faire des entrepôts pour une grande partie des marchandises destinées à la consommation des pays éloignés. Dans une ville où se dépensent de gros revenus, il sera probablement plus difficile d’employer avantageusement un capital en entreprises étrangères à la consommation du lieu, qu’il ne le sera dans une ville où les classes inférieures du peuple vivent uniquement de l’emploi des capitaux de cette espèce. Dans la première de ces villes, la fainéantise qu’y contracte la majeure partie du peuple, en vivant sur des dépenses de revenus, corrompt nécessairement l’industrie de ceux qu’entretiendrait l’emploi d’un capital, et fait qu’il y a moins d’avantages qu’ailleurs à y employer

  1. Le commerce de Paris dépasse aujourd’hui non-seulement l’enceinte de la ville, mais encore la frontière de l’État. On peut évaluer à plus de cent millions de francs les produits que cette capitale exporte dans les départements ou à l’étranger. A. B.