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à employer le fonds accumulé qui est à sa disposition, quel qu’il soit, de manière à en retirer, ou une jouissance pour le moment, ou un profit pour l’avenir. S’il l’emploie à se procurer une jouissance actuelle, c’est alors un fonds destiné à servir immédiatement à la consommation. S’il l’emploie à se procurer un profit pour l’avenir, il ne peut obtenir ce profit que de deux manières, ou en gardant ce fonds, ou en s’en dessaisissant. Dans le premier cas, c’est un capital fixe ; dans le second, c’est un capital circulant. Dans un pays qui jouit de quelque sécurité, il faut qu’un homme soit tout à fait hors de son bon sens, pour qu’il n’emploie pas, de l’une ou de l’autre de ces trois manières, tout le fonds accumulé qui est à sa disposition, soit qu’il l’ait en propre, soit qu’il l’ait emprunté d’un tiers.

À la vérité, dans ces malheureuses contrées où les hommes ont à redouter sans cesse les violences de leurs maîtres, il leur arrive souvent d’enfouir ou de cacher une grande partie des fonds accumulés, afin de les avoir en tout temps sous la main pour les emporter avec eux dans quelque asile, au moment où l’un de ces revers auxquels on se voit continuellement exposé, viendra à menacer l’existence. Cette pratique est, dit-on, très-commune en Turquie, dans l’Indostan, et sans doute dans la plupart des autres gouvernements d’Asie. Il paraît qu’elle a été fort en vogue chez nos ancêtres, pendant les désordres du gouvernement féodal. Les trésors trouvés ne fournissaient pas alors une branche peu importante du revenu des plus grands souverains de l’Europe. On comprenait sous ce nom les trésors qu’on trouvait cachés en terre, et auxquels personne ne pouvait prouver avoir droit. Cet article formait une branche de revenu assez importante pour être toujours réputé appartenir au souverain et non pas à celui qui avait trouvé le trésor, ni au propriétaire de la terre, à moins que celui-ci, par une clause expresse de sa charte, n’eût obtenu la concession de ce droit régalien. La découverte des trésors était assimilée aux mines d’or et d’argent, qui, à moins d’une clause spéciale, n’étaient jamais censées comprises dans la cession générale de la terre, quoique les mines de plomb, de cuivre, d’étain et de charbon y fussent comprises, comme étant de moindre importance[1].

  1. Ce chapitre, si remarquable par sa netteté, continue une véritable découverte. La distinction des capitaux fixes et des capitaux engagés a exercé une influence immense sur la marche de toutes les industries.