Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nible et la moins périlleuse. Les peuples, comme les individus, sont disposés à marcher, par imitation, à la suite les uns des autres, et ceux qui les guident obéissent à ce mouvement général, loin de faire effort pour le contrarier. Par leur position et leurs rapports, ces hommes sont enclins à dédaigner la théorie et à se défier des études spéculatives, et ceux qui les entourent leur persuadent aisément que toute la science consiste essentiellement dans la pratique des affaires. On édifia donc en conséquence de ce système ; on créa successivement des compagnies privilégiées pour le commerce des Indes, pour celui du Levant, pour celui de l’Afrique, de la mer du Sud, etc. Des hommes aventureux se précipitèrent dans toutes ces entreprises, qui dévorèrent d’immenses capitaux en pure perte pour les entrepreneurs et pour le pays. Quand on s’avisa de réfléchir et de rechercher comment et par quels moyens le commerce étranger pouvait enrichir la nation qui s’y livrait, on s’arrêta à ces idées saillantes qui se présentent dès la superficie, et par là frappent tous les esprits vulgaires, et qui, pour cette raison, obtiennent toujours un grand crédit parmi la multitude.

L’économie politique est de toutes les sciences celle qui donne le plus de prise aux préjugés populaires et celle qui les trouve le plus fortement enracinés. Le désir d’améliorer sa condition, ce principe qui agit universellement et sans relâche sur tous les membres du corps social, tourne continuellement les pensées de chaque individu vers les moyens d’accroître sa fortune privée ; et si cet individu vient par la suite à élever ses pensées jusques à l’administration de la fortune publique, il sera naturellement porté à raisonner par analogie et à appliquer à l’intérêt général de son pays ces mêmes maximes que la réflexion et sa propre expérience lui auront fait reconnaître pour les meilleurs guides dans la conduite de ses affaires personnelles. Ainsi, de ce que l’argent constitue véritablement une partie essentielle du fonds productif de la fortune d’un particulier, et de ce que cette fortune se grossit évidemment à mesure que cet article vient à augmenter dans ses mains, s’est formée cette fausse opinion si généralement répandue, que l’argent est une des parties constituantes de la richesse nationale, et qu’un pays s’enrichit à proportion de ce qu’il en peut recueillir des autres pays avec lesquels il entretient des relations de commerce.

Des marchands habitués à se retirer chaque soir dans leur comp-