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valeur dans le premier de ces pays que dans le dernier. À la Chine, qui est un pays beaucoup plus riche qu’aucun endroit de l’Europe, la valeur des métaux précieux est aussi beaucoup plus élevée qu’en aucun endroit de l’Europe[1]. À la vérité, la richesse de l’Europe s’est grandement accrue depuis la découverte des mines de l’Amérique, et la valeur de l’or et de l’argent y a aussi diminué successivement depuis la même époque. Toutefois, cette diminution de leur valeur n’est pas due à l’accroissement de la riches­se réelle de l’Europe, à l’accroissement du produit annuel de ses terres et de son travail, mais elle est due à la découverte accidentelle de mines plus abondantes qu’au­cu­ne de celles connues auparavant. L’augmentation de la quantité d’or et d’argent en Europe, et l’extension de son agriculture et de ses manufactures, sont deux événe­ments qui, pour être arrivés presque à la même époque, ont eu cependant leur source dans des causes très-différentes, et n’ont presque pas la moindre liaison l’un avec l’autre. L’un est provenu du pur effet du hasard, dans lequel la prudence ni la politique n’ont eu ni n’ont pu avoir aucune part ; l’autre est la conséquence de la chute du système féodal et de l’établissement d’une forme de gouvernement qui a donné à l’industrie le seul encouragement dont elle ait besoin, c’est-à-dire une confiance assez bien établie qu’elle pourra jouir du fruit de ses efforts. La Pologne, qui n’est pas délivrée du système féodal, est encore aujourd’hui un pays aussi misérable qu’il l’était avant la découverte de l’Amérique. Cependant le prix du blé a haussé en Pologne ; la valeur réelle des métaux précieux y a baissé, comme dans tous les autres endroits de l’Europe. La quantité de ces métaux a donc dû y augmenter comme ailleurs et à peu près dans la même proportion, relativement au produit annuel de ses terres et de son travail. Néanmoins, cette augmentation dans la quantité de ces métaux n’a pas, à ce qu’il semble, augmenté ce produit annuel, ni étendu l’agriculture et les manufactures du pays, ni amélioré le sort de ses habitants. L’Espagne et le Portugal, qui

  1. La renommée de grandes richesses et de haute civilisation acquise à la Chine repose sur les exagérations des voyageurs, que des aperçus plus nouveaux et plus profonds ont maintenant corrigées. Les Chinois, en effet, ont fait de grands progrès dans les arts mécaniques ; mais il n’existe aucune raison de croire qu’ils soient plus riches que les nations d’Europe. Les classes laborieuses y éprouvent une grande misère, circonstance qui certainement ne dénote pas de grandes richesses. Buchanan.