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le total sera de 2,250,000 livres sterling. Ainsi, d’après ce compte, la totalité de l’importation annuelle des métaux précieux, tant en Espagne qu’en Portugal, s’élève à 6,075,000 livres sterling environ.

Plusieurs autres rapports manuscrits, mais appuyés de pièces très-authentiques, s’accordent, à ce qu’on m’a assuré, à évaluer la totalité de cette importation annuelle des métaux précieux à environ 6,000,000 sterling, tantôt un peu plus, tantôt un peu moins.

À la vérité, l’importation des métaux précieux à Cadix et à Lisbonne ne compose pas la totalité du produit annuel des mines d’Amérique. Il y en a une partie qui est envoyée tous les ans à Manille par les vaisseaux d’Acapulco ; une autre partie est employée au commerce de contrebande que font les colonies espagnoles avec celles des autres nations européennes, et enfin il en reste indubitablement une autre partie dans le pays même. En outre, les mines d’or et d’argent de l’Amérique ne sont pas les seules qui existent au monde ; elles sont toutefois les plus abondantes, à beaucoup près. Il n’y a nul doute que le produit de toutes les autres mines connues n’est rien en comparaison du leur, et il est pareillement certain que la plus grande partie de leur produit est importée annuellement à Cadix et à Lisbonne. Mais la consommation de Birmingham seulement, en la comptant sur le pied de 50,000 livres par an, emporte déjà une cent vingtième partie de cette importation annuelle, évaluée à 6 millions. Ainsi, la totalité de la consommation annuelle d’or et d’argent, dans tous les divers pays du monde où ces métaux sont en usage, est peut-être égale, à peu de chose près, à la totalité de ce produit annuel. Le reste ne suffit peut-être que tout juste pour répondre à l’augmentation de demande de la part de tous les pays qui s’enrichissent. Il peut même s’être trouvé assez au-dessous de cette demande, pour que le prix de ces métaux se soit élevé de quelque chose dans le marché de l’Europe[1].

La quantité de cuivre et de fer qui va de la mine au marché, est, sans aucune comparaison, plus grande que celle de l’or et de l’argent. Nous n’allons pas nous imaginer, pour cela, qu’il doive en arriver que ces métaux grossiers se multiplient au-delà de la demande, et qu’ils

  1. Les savantes recherches de M. de Humboldt ont donné d’importantes informations sur ce sujet. Elles montrent que cette importation d’or et d’argent d’Amérique était beaucoup plus grande à l’époque où la Richesse des nations fut publiée (1770), que ne le supposait le Dr Smith, et que cette importation continua à s’accroître jusqu’au commencement des troubles révolutionnaires. La table suivante contient les résultats des recherches de M. de Humboldt.
    Cette somme de 43,500,000 dollars, à 4 schellings 3 deniers le dollar, s’élève à 9,243,730 livres ; M. de Humboldt estime le produit annuel des mines d’Europe et celui des mines de l’Asie Méridionale, environ à 4,000,000 en plus. M. Jacob, auteur des Recherches historiques sur la consommation des métaux précieux, évalue le produit moyen annuel des mines d’Amérique, de 1800 à 1810, à 47,061,000 dollars. Mais les mouvements révolutionnaires qui, commençant en 1810, ont troublé le Pérou, le Mexique et le reste de l’Amérique espagnole, firent bientôt abandonner entièrement quelques-unes des mines les plus productives, et occasionnèrent un déficit extraordinaire dans l’approvisionnement des métaux précieux qu’on tirait auparavant du Nouveau-Monde. M. Jacob évalue le produit moyen annuel des mines d’Amérique, de 1810 à 1829, à 4,036,000 livres ; ce qui n’est pas la moitié de leur produit au commencement du siècle ; et quoiqu’on ait soupçonné cette évaluation d’avoir été faite trop bas, il y a d’excellentes raisons de penser qu’elle n’est pas loin de la vérité (Jacob, II, p. 267). La déconfiture des Compagnies qui se formèrent en Angleterre en 1825 pour l’exploitation des mines américaines, l’instabilité des gouvernements révolutionnaires et l’insécurité continuelle qui a régné jusqu’ici dans toutes les parties du Mexique et des anciennes provinces espagnoles de l’Amérique du Sud, ont empêché que la quantité de métaux précieux fût considérablement augmentée. Dans ces derniers temps il s’est manifesté un accroissement considérable dans la richesse des mines de l’Oural et d’autres mines de Russie ; et depuis 1829 une assez grande quantité a été obtenue par le lavage dans la Caroline du Nord et dans d’autres parties des États-Unis. La quantité annuelle d’or et d’argent fournie par l’Amérique et l’Europe, en y comprenant la Russie Asiatique, peut être raisonnablement évaluée à 5,000,000 ou 5,500,000 livres. Mais pour se faire une idée juste sur ce sujet, il faut se rappeler que sur la somme de 10,243,000 livres qu’on suppose avoir été fournie par les mines d’Amérique, d’Europe et de Sibérie dans la première partie de ce siècle, 25,500,000 dollars au moins, ou 6,000,000 de livres furent exportés dans l’Inde, à la Chine et dans d’autres contrées de l’Orient ; il ne restait ainsi que 4,243,000 livres pour la consommation de l’Amérique et de l’Europe. Depuis quelques années (1838), cette énorme importation d’argent de l’Ouest à l’Est, a entièrement ou presque entièrement cessé ; il en résulte donc, si nous avons raison d’évaluer le produit présent des mines d’Amérique, d’Europe et de Sibérie à 5,000,000 ou 5,500,000 livres, que l’Europe et l’Amérique ont une plus grande quantité d’or et d’argent pour leur propre usage, qu’elles n’en avaient à l’époque où le produit des mines d’Amérique était à son maximum. Mac Culloch.