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que pour l’orfèvrerie, exige une fourniture toujours de plus en plus forte pour approvisionner d’argent un vaste continent où l’on n’en demandait point du tout auparavant. La plus grande partie aussi des colonies espagnoles et portugaises sont des marchés entièrement nouveaux. Avant la découverte faite par les Européens, la Nouvelle-Grenade, l’Yucatan, le Paraguay et le Brésil étaient habités par des peuples sauvages qui n’avaient ni art ni agriculture. Dans tous ces pays, les arts et l’agriculture se sont introduits à un degré considérable. Le Mexique même et le Pérou, quoiqu’on ne puisse les considérer comme des marchés tout à fait nouveaux, sont certainement des marchés bien autrement étendus qu’ils ne l’étaient auparavant. Malgré tous les contes merveilleux qu’on s’est plu à débiter sur l’état de magnificence de ces pays dans leur ancien temps, quiconque veut lire avec un jugement un peu rassis l’histoire de leur première découverte et de leur conquête, sera à même de discerner très-clairement que leurs habitants étaient beaucoup plus ignorants en arts, en agriculture et en commerce, que ne le sont aujourd’hui les Tartares de l’Ukraine. Les Péruviens mêmes, la plus civilisée des deux nations, quoiqu’ils fissent usage d’or et d’argent pour ornements, n’avaient cependant aucune espèce de métaux monnayés. Tout le commerce se faisait par troc et, par conséquent, il n’y avait chez eux presque aucune division de travail. Ceux qui cultivaient la terre étaient obligés de se bâtir leurs maisons, de faire eux-mêmes leurs ustensiles de ménage, leurs habits, leurs chaussures et leurs outils d’agriculture. Le peu d’artisans qu’il y eût parmi eux étaient tous, dit-on, entretenus par le souverain, les nobles et les prêtres, dont ils étaient vraisemblablement les domestiques ou les esclaves. Tous les anciens arts du Mexique et du Pérou n’ont jamais donné à l’Europe un seul genre de manufacture ; les armées espagnoles, qui s’élevaient à peine au-delà de cinq cents hommes, et très-souvent n’atteignaient pas la moitié de ce nombre, trouvèrent presque partout beaucoup de difficulté à se procurer leur subsistance. Les famines qu’elles occasionnaient, à ce qu’on dit, dans presque tous les endroits où elles passaient, dans des pays qu’on veut en même temps représenter comme très-peuplés et comme très-bien cultivés, sont une preuve suffisante que ce qu’on a raconté de cette grande population et de cette riche culture est en grande partie fabuleux. Les colonies espagnoles sont sous un gouvernement, à beaucoup d’égards, moins favorable à l’agriculture, à la prospérité et à la population, que celui des colonies anglaises. Néanmoins,