Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/245

Cette page a été validée par deux contributeurs.




Section II.
Inégalités causées par la police de l’Europe.


Telles sont les inégalités qui se trouvent dans la somme totale des avantages et désavantages des divers emplois de travail et de capitaux, même dans les pays où règne la plus entière liberté, lesquelles proviennent du défaut de quelqu’une des trois conditions ci-dessus expliquées ; mais la police qui domine en Europe, faute de laisser les choses dans une entière liberté, donne lieu à d’autres inégalités d’une bien plus grande importance.

Elle produit cet effet principalement de trois manières : la première, en restreignant la concurrence, dans certains emplois, à un nombre inférieur à celui des individus qui, sans cela, seraient disposés à y entrer ; la seconde, en augmentant dans d’autres le nombre des concurrents au-delà de ce qu’il serait dans l’état naturel des choses ; et la troisième, en gênant la libre circulation du travail et des capitaux, tant d’un emploi à un autre, que d’un lieu à un autre.

Premièrement, la police qui règne en Europe donne lieu à une inégalité considérable dans la somme totale des avantages et désavantages des divers emplois du travail et des capitaux, en restreignant, dans certains endroits, la concurrence à un plus petit nombre d’individus que ceux qui s’y porteraient sans cela.

Pour cet objet, les principaux moyens qu’elle emploie, ce sont les privilèges exclusifs des corporations.

Le privilège exclusif d’un corps de métier restreint nécessairement la concurrence, dans la ville où il est établi, à ceux auxquels il est libre d’exercer ce métier. Ordinairement, la condition requise pour obtenir cette liberté est d’avoir fait son apprentissage sous un maître ayant qualité pour cela. Les statuts de la corporation règlent quelquefois le nombre d’apprentis qu’il est permis à un maître d’avoir, et presque toujours le nombre d’années que doit durer l’apprentissage. Le but de ces règlements est de restreindre la concurrence à un nombre d’individus beaucoup moindre que celui qui, sans cela, embrasserait cette profession. La limitation du nombre des apprentis restreint directement la concurrence ; la longue durée de l’apprentissage la restreint d’une manière plus indirecte, mais non moins efficace, en augmentant les frais de l’éducation industrielle.