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qu’on trouve des exemples de gens qui vivent d’un emploi et retirent en même temps quelques petits bénéfices d’un autre. Cependant, la capitale d’un pays très-riche peut nous fournir un exemple de quelque chose de semblable. Il n’y a pas, je crois, de ville en Europe où les loyers de maisons soient plus chers qu’à Londres, et je ne connais pourtant pas de capitale où on puisse trouver des chambres garnies à si bon marché ; non-seulement les logements à Londres sont moins chers qu’à Paris, ils le sont même beaucoup moins qu’à Édimbourg, au même degré de commodité ; et ce qui pourra paraître singulier, c’est la cherté des loyers[1], qui est la cause du bon marché des logements. La cherté des loyers de maison à Londres ne procède pas seulement des causes qui les rendent chers dans toutes les capitales, c’est-à-dire la cherté du travail, la cherté des matériaux de construction qu’il faut en général transporter de fort loin, et par-dessus tout la cherté de la rente ou loyer du sol[2] ; chaque propriétaire de sol agit en monopoleur, et exige très-souvent, pour une seule acre de mauvaise terre dans la ville, une plus forte rente que ne pourraient lui en produire cent acres des meilleures terres de la campagne. Mais la cherté de ces loyers provient encore en partie de la coutume du pays, qui oblige tout chef de famille à prendre à loyer une maison entière, de la cave au grenier. En Angleterre, on comprend sous le nom d’habitation ou domicile tout ce qui est renfermé sous le même toit ; tandis que ce mot, en France, en Écosse et dans beaucoup d’autres endroits de l’Europe, ne signifie souvent rien de plus qu’un seul étage. Un industriel à Londres est obligé de prendre à loyer une maison entière, dans le quartier où demeurent ses pratiques. Il tient sa boutique au rez-de-chaussée, et il couche, ainsi que sa famille, dans les combles ; ensuite il tâche de regagner une partie de son loyer en prenant des locataires dans les deux étages du milieu. C’est sur son industrie, et non sur ses locataires, qu’il compte pour entretenir sa famille, tandis qu’à Paris et à Édimbourg les gens qui fournissent les logements n’ont ordinairement pas d’autres moyens de subsistance, et qu’il faut que le prix du logement paye non-seulement le loyer de la maison, mais encore toute la dépense de la famille.

  1. C’est-à-dire, du loyer ou prix du bail d’une maison entière, par opposition au prix d’un logement ou appartement qui ne comprend qu’une partie de la maison.
  2. Voyez sur ce loyer du sol, liv. V, chap. ii.