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temps à quiconque les voulait employer, et qu’ils travaillaient pour de moindres salaires que les autres ouvriers. Il paraît qu’ils ont été autrefois très-communs dans toute l’Europe. Dans des pays mal cultivés et encore plus mal peuplés, la plus grande partie des propriétaires et des fermiers n’auraient pas pu sans cela se pourvoir des bras extraordinaires qu’exigent, dans certaines saisons, les travaux de la campagne. Il est évident que la rétribution journalière ou hebdomadaire que ces ouvriers recevaient accidentellement de leurs maîtres n’était pas le prix entier de leur travail ; leur petite possession en formait une partie considérable. Cependant plusieurs écrivains qui ont recueilli les prix du travail et des denrées dans les temps anciens, et qui se sont plu à les représenter tous deux prodigieusement bas, ont regardé cette rétribution accidentelle comme formant tout le salaire de ces ouvriers.

Le produit d’un travail fait de cette manière se présente souvent sur le marché à meilleur compte que la nature de ce travail ne le permettrait sans cette circonstance. Dans plusieurs endroits d’Écosse, on a des bas tricotés à l’aiguille à beaucoup meilleur marché qu’on ne pourrait les établir au métier partout ailleurs ; c’est l’ouvrage de domestiques et d’ouvrières qui trouvent dans une autre occupation la principale partie de leur subsistance. On importe par an, à Leith, plus de mille paires de bas de Shetland, dont le prix est de 5 à 7 deniers la paire. À Learwick, la petite capitale des îles de Shetland, le prix ordinaire du simple travail est, à ce qu’on m’a assuré, de 10 deniers par jour. Dans les mêmes îles, on tricote des bas d’estame[1], de la valeur d’une guinée la paire, et au-dessus.

La filature de toile se fait en Écosse de la même manière à peu près que les bas à l’aiguille, c’est-à-dire par des femmes qui sont louées principalement pour d’autres services. Celles qui essayent de vivre uniquement de l’un ou de l’autre de ces métiers gagnent à peine de quoi ne pas mourir de faim. Dans la plus grande partie de l’Écosse, il faut être une bonne fileuse pour gagner 20 deniers par semaine[2].

Dans les pays opulents, le marché est, en général, assez étendu pour qu’une seule occupation suffise à employer tout le travail et tout le capital de ceux qui s’y livrent. Ce n’est guère que dans les pays pauvres

  1. Worsted, c’est une laine filée beaucoup plus torse que l’autre, et préparée exprès pour faire des bas.
  2. Le fil de toile est généralement filé aujourd’hui à la mécanique. Mac Culloch.