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compenser parfaitement. C’est dans les commerces les plus hasardeux que les banqueroutes sont les plus fréquentes. Le métier du contrebandier, le plus hasardeux de tous, mais aussi le plus lucratif quand l’affaire réussit, conduit infailliblement à la banqueroute. Cette confiance présomptueuse dans le succès paraît agir ici comme partout ailleurs, et entraîner tant de gens à s’aventurer dans les affaires périlleuses, que la concurrence y réduit le profit au-dessous de ce qui serait nécessaire pour compenser le risque. Pour le compenser tout à fait, il faudrait que les rentrées ordinaires, outre les profits ordinaires du capital, pussent non-seulement remplacer toutes les pertes accidentelles, mais encore qu’elles rapportassent aux coureurs d’aventures un surcroît de profit du même genre que le profit des assureurs. Mais si les rentrées ordinaires suffisaient à tout cela, les banqueroutes ne seraient pas plus fréquentes dans ce genre de commerce que dans les autres.

Ainsi, des cinq circonstances qui font varier les salaires du travail, il n’y en a que deux qui influent sur les profits du capital : l’agrément ou le désagrément, la sûreté ou le risque qui accompagnent le genre d’affaire auquel le capital est employé. Sous le rapport de l’agrément ou désagrément, il n’y a, dans la très-grande partie des emplois du capital, que peu ou point de différence, mais il y en a beaucoup dans les emplois du travail ; et quant au risque, quoiqu’il fasse hausser les profits du capital, il ne paraît pas que cette hausse ait toujours lieu en proportion du risque. De tout cela il résulte nécessairement que, dans une même société ou dans une même localité, le taux moyen des profits ordinaires dans les différents emplois du capital se rapprochera bien plus de l’égalité que celui des salaires pécuniaires des diverses espèces de travail ; aussi est-ce bien ce qui arrive. La différence entre le gain d’un simple manœuvre et celui d’un avocat ou d’un médecin, est évidemment bien plus grande que celle qui peut exister entre les profits ordinaires de deux différentes branches d’industrie, quelles qu’elles soient. D’ailleurs, la différence apparente qui semble exister entre deux différents genres d’industrie est, en général, une illusion qui provient de ce que nous ne distinguons pas toujours ce qui doit être regardé comme salaire, de ce qui doit être regardé comme profit.

Les profits des apothicaires passent, par une sorte de dicton, pour quelque chose de singulièrement exorbitant. Cependant ce profit, en apparence énorme, n’est souvent autre chose qu’un salaire fort raisonnable. Le savoir d’un apothicaire est d’une nature bien plus délicate