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métier de boucher a quelque chose de cruel et de repoussant ; mais, dans la plupart des endroits, c’est le plus lucratif de presque tous les métiers ordinaires. Le plus affreux de tous les emplois, celui d’exécuteur public, est, en proportion de la quantité de travail, mieux rétribué que quelque autre métier que ce soit.

La chasse et la pêche, les occupations les plus importantes de l’homme dans la première enfance des sociétés, deviennent, dans l’état de civilisation, ses plus agréables amusements, et il se livre alors par plaisir à ce qu’il faisait jadis par nécessité. Ainsi, dans une société civilisée, il n’y a que de très-pauvres gens qui fassent par métier ce qui est pour les autres l’objet d’un passe-temps. Telle a été la condition des pêcheurs depuis Théocrite[1]. Dans la Grande-Bretagne, un braconnier est un homme fort pauvre. Dans le pays où la rigueur des lois ne permet pas le braconnage, le sort d’un homme qui fait son métier de la chasse, moyennant une permission, n’est pas beaucoup meilleur. Le goût naturel des hommes pour ce genre d’occupation y porte beaucoup plus de gens qu’elle ne peut en faire vivre dans l’aisance, et ce que produit un tel travail, en proportion de sa quantité, se vend toujours à trop bon marché pour fournir aux travailleurs au-delà de la plus chétive subsistance.

Le désagrément et la défaveur de l’emploi influent de la même manière sur les profits des capitaux. Le maître d’une auberge ou d’une taverne, qui n’est jamais le maître chez lui, et qui est exposé aux grossièretés du premier ivrogne, n’exerce pas une industrie très-agréable ni très-considérée ; mais il y a peu de commerce ordinaire dans lequel on puisse, avec un petit capital, réaliser d’aussi gros profits.

Secondement, les salaires du travail varient suivant la facilité et le bon marché de l’apprentissage, ou la difficulté et la dépense qu’il exige.

Quand on a établi une machine coûteuse, on espère que la quantité extraordinaire de travail qu’elle accomplira avant d’être tout à fait hors de service remplacera le capital employé à l’établir, avec les profits ordinaires tout au moins. Un homme qui a dépensé beaucoup de temps et de travail pour se rendre propre à une profession qui demande une habileté et une expérience extraordinaires, peut être comparé à une de ces machines dispendieuses. On doit espérer que la fonction à laquelle il se prépare lui rendra, outre les salaires du simple travail, de quoi l’indemniser de tous les frais de son éducation, avec au moins les

  1. Voyez sa 21e Idylle.