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ouvriers qui, lorsqu’ils peuvent gagner en quatre jours de quoi subsister toute la semaine, passeront les trois autres jours dans la fainéantise. Mais, à coup sûr, ce n’est pas le fait du plus grand nombre. Au contraire, on voit souvent les ouvriers qui sont largement payés à la pièce, s’écraser de travail, et ruiner leur santé et leur tempérament en peu d’années. À Londres et dans quelques autres endroits, un charpentier passe pour ne pas conserver plus de huit ans sa pleine vigueur. Il arrive la même chose à peu près dans beaucoup d’autres métiers où les ouvriers sont payés à la pièce, comme ils le sont, en général, dans beaucoup de professions, et même dans les travaux des champs, partout où les salaires sont plus au-dessus du taux habituel. Il n’y a presque aucune classe d’artisans qui ne soit sujette à quelque infirmité particulière, occasionnée par une application excessive à l’espèce de travail qui la concerne. Ramuzzini, célèbre médecin italien, a écrit un traité particulier sur ce genre de maladies. Nous ne regardons pas chez nous les soldats comme la classe du peuple la plus laborieuse ; cependant, quand on a employé les soldats à quelque espèce particulière d’ouvrage où on les payait bien et à la pièce, il est arrivé souvent que les officiers ont été obligés de convenir avec l’entrepreneur qu’on ne leur laisserait pas gagner par jour plus d’une certaine somme, fixée d’après le taux auquel ils étaient payés. Avant qu’on eût pris cette précaution, l’émulation réciproque et le désir de gagner davantage les poussaient souvent à forcer le travail et à s’exténuer par un labeur excessif. Cette fainéantise de trois jours de la semaine, dont on se plaint tant et si haut, n’a souvent pour véritable cause qu’une application forcée pendant les quatre autres. Un grand travail de corps ou d’esprit, continué pendant plusieurs jours de suite, est naturellement suivi, chez la plupart des hommes, d’un extrême besoin de relâche qui est presque irrésistible, à moins qu’il ne soit contenu par la force ou par une impérieuse nécessité. C’est le cri de la nature qui veut impérieusement être soulagée, quelquefois seulement par du repos, quelquefois aussi par de la dissipation et de l’amusement. Si on lui désobéit, il en résulte souvent des conséquences dangereuses, quelquefois funestes, qui presque toujours amènent un peu plus tôt ou un peu plus tard le genre d’infirmité qui est particulière au métier. Si les maîtres écoutaient toujours ce que leur dictent à la fois la raison et l’humanité, ils auraient lieu bien souvent de modérer plutôt que d’exciter l’application au travail, chez une grande partie de leurs ouvriers. Je crois que, dans quel-