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bien être d’une très-grande étendue ; mais s’ils ont continué, pendant plusieurs siècles, à être de la même étendue ou à peu près, alors le nombre des ouvriers employés chaque année pourra aisément répondre, et même plus que répondre, au nombre qu’on en demandera l’année suivante. On y éprouvera rarement une disette de bras, et les maîtres ne seront pas obligés de mettre à l’enchère les uns sur les autres pour en avoir. Au contraire, dans ce cas, les bras se multiplieront au-delà de la demande. Il y aura disette constante d’emploi pour les ouvriers, et ceux-ci seront obligés, pour en obtenir, d’enchérir au rabais les uns sur les autres[1]. Si, dans un tel pays, les salaires venaient jamais

  1. On ne peut remédier à une rareté générale de travail que par l’accroissement des fonds destinés à l’industrie : et tout plan qui n’aura pas cet effet, ne pourra même amener une amélioration dans l’état du travailleur. L’emploi des pauvres dans les Workhouses est le remède fourni par la loi ; mais ce remède ne crée aucun fonds nouveau pour l’entretien du travail : il détourne seulement une partie du capital ancien vers un canal différent. D’ailleurs, si ces établissements n’existaient pas, les matières qui y sont manipulées serviraient à donner, sous la direction prévoyante du manufacturier privé, une vive impulsion à l’industrie. Les effets d’un tel système sont, non pas d’augmenter les fonds industriels, mais de changer leur gestion, de les enlever à ceux qui ont un intérêt immédiat à les administrer fidèlement, pour les placer entre les mains de surveillants moins soigneux qui peuvent les dilapider ou les dévorer entièrement. Ces effets sont clairement indiqués dans un vieux traité de Daniel de Foe, intitulé : Giving alms no charity (Aumônes ne sont pas charité) : traité cité par MM. Malthus et sir F. Morton Eden, où l’on observe que chaque écheveau de laine filé dans le Workhouse retire l’équivalant de ce travail à quelque famille pauvre qui le filait auparavant, et que, pour chaque pièce de lainage fabriquée à Londres, il doit y en avoir une pièce de moins fabriquée à Colchester ou ailleurs.

    C’est pourquoi il ajoute que « l’emploi des indigents dans les Workhouses tend seulement à transporter les manufactures de Colchester à Londres et à ravir le pain à la bouche du pauvre de l’Essex pour le mettre à la bouche du pauvre de Middlesex.

    Il est évident que de pareils systèmes de bienfaisance générale sont incompatibles avec l’ordre établi des sociétés humaines. Les calamités auxquelles sont exposées les classes laborieuses naissent de causes que la législation ne peut atteindre ; et c’est pourquoi nul homme d’État connaissant les limites de son pouvoir, n’abordera des projets tendant à fournir au travailleur de l’ouvrage ou à régler son salaire*. Cependant les législateurs des siècles précédents, semblent avoir considéré la loi comme un remède efficace pour tous les maux ; et au lieu de livrer le travailleur aux ressources de son industrie et de son talent, ils ont généralement essayé de fixer son sort par des règlements arbitraires.

    On avait primitivement décrété en Écosse, pour le soutien du pauvre, une provision légale ; mais l’esprit de la population, qui attache du déshonneur à une pauvreté dépendante, a fait abandonner ce système, et maintenant les pauvres sont secourus par des aumônes volontaires.

    En Angleterre, les lois en faveur des pauvres, au lieu de tomber en désuétude, ont été poussées bien plus loin que le plan primitif. Par le 43e acte d’Élisabeth, celui sur lequel repose le présent système, on ordonne aux juges de paix de mettre au travail les enfants pauvres ou ceux qui, pouvant travailler, n’ont point d’ouvrage. Ils sont aussi autorisés à lever tous les impôts qu’ils jugeront nécessaires pour le soulagement du pauvre et à désigner ceux qu’ils croient devoir être les objets de la charité publique. L’opinion de sir F. M. Eden, est que cet acte de la reine Élisabeth n’avait aucun rapport avec le corps actif des travailleurs, mais était seulement destiné au soulagement de ceux qui n’avaient pas d’ouvrage ou qui étaient incapables de travailler. Dans les temps modernes cependant, ce secours a été étendu à toutes les classes de travailleurs** et on en a réglé le montant d’après le haut prix des subsistances ; quoiqu’il soit évident que, ajouter à l’actif du travailleur quand les salaires sont bas ou quand les subsistances sont chères, revienne en réalité à hausser violemment les salaires ou à fixer un maximum aux prix des subsistances. Buchanan.

    *. Ce fatalisme-là n’est plus à l’ordre du jour.

    **. Toute la législation des pauvres a été modifiée par le fameux acte du parlement, en 1834, après une enquête qui renferme les détails les plus intéressants sur cette question. A. B.