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ŒUVRES COMPLÈTES

sans aucune préface et sans nom d’auteur, Slowacki voulait par là, dit M. Malecki, jeter le gant à Mickiewicz ; « La lutte sera plus égale avec Adam, » disait-il lui-même à sa mère, en lui expliquant pourquoi il avait, gardé l'anonyme, il regardait alors cet ouvrage comme son chef-d’œuvre ; « La publication de ce poème sera pour moi une époque très-importante, » disait-il en corrigeant ses épreuves. (3 janvier 1834.)

Quand l’ouvrage eut vu le jour, on l’attribua d’abord à Mickiewicz, et Slowacki écrivait à sa mère : « Mon dernier chant a au moins étonné, s’il n’a pas plu à tout le monde. Dans un de nos journaux publiés en français, j’en ai lu une analyse louangeuse, — autant que mes adversaires peuvent ne pas me blâmer. Or ces adversaires, ce sont, par malheur, tous les poètes, et, a leur tête, Adam... On attribue, en général, mon poème à Mickiewicz... Cette erreur ne m’est pas précisément désagréable... » (27 avril 1834.)

La ressemblance extérieure entre le drame de Kordian et le drame des Aïeux fut sans doute la principale cause de cette erreur de l’opinion publique, et Slowacki y avait compté. Son Kordian ressemble beaucoup d’abord au Gustave ensuite au Konrad de Mickiewicz : ils partent tous deux de la même idée, et ne diffèrent qu’en ce point essentiel que Kordian est homme d’action, tandis que Konrad reste dans les sphères mystiques et idéales. Un autre poème a pu inspirer l’œuvre de Slowacki ; c’est celui dont Mickiewicz parle si souvent dans son cours de littérature : La jeunesse de Venceslas, d’Étienne Garezynski : le cadre est le même, mais il y a plus de byronisme dans ce dernier ouvrage, tandis que Slowacki change de voie au moins au troisième acte, et devient plus national et plus indépendant.