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des habitans. La partie stationnaire de la nation, la partie conservatrice des anciennes habitudes, en a été totalement retranchée : il n'y a aucun Américain qui ne se propose un progrès de fortune, et un progrès rapide. Le gain à faire est devenu la première considération de la vie ; et, dans la nation la plus libre de la terre, la liberté elle-même a perdu de son prix, comparée au profit. L'esprit calculateur descend jusqu'aux enfants, il soumet à un constant agiotage les propriétés territoriales ; il étouffe les progrès de l'esprit, le goût des arts, des lettres et des sciences ; il corrompt jusqu'aux agents d'un gouvernement libre, qui montrent une avidité peu honorable pour les places, et il imprime au caractère américain une tache qu'il ne sera pas facile d'effacer.

L'entreprise de quelques centaines de mille émigrants, qui sont appelés à peupler un beau pays, fait pour autant de centaines de millions d'hommes, est un événement tellement extraordinaire, ou plutôt tellement unique au monde, qu'on ne saurait ni prescrire des règles à suivre, ni blâmer ce qui paraît affligeant. Peut-être, dans le moment actuel, n'y avait-il pas autre chose à faire pour les Américains que ce qu'ils font. Mais ils ne commenceront à connaître toutes les vertus, toutes les hautes conceptions,