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niers, quelque vexation qu'ils éprouvent, ont du moins une espérance, une propriété et un héritage à laisser à leurs enfants. Les journaliers n'ont aucune participation à la propriété, ils n'ont rien à espérer de la fertilité du sol, ou d'une saison propice ; ils ne plantent point pour leurs enfants. Ils ne confient point à la terre le travail de leurs jeunes ans, pour en recueillir les fruits avec usure dans la vieillesse. Ils vivent au jour le jour, avec le salaire de la semaine. Toujours exposés à manquer d'ouvrage par le dérangement de fortune de leurs supérieurs, toujours près d'éprouver les derniers besoins, en suite d'une maladie, d'un accident, ou même des approches de la vieillesse ; ils courent toutes les chances de la ruine, et ne conservent aucune de celles de la fortune.

Dans la situation à laquelle les ouvriers de terre se trouvent réduits, il est peu probable qu'ils se forment à l'économie. Des privations et des souffrances de tous les jours les accoutument aussi à désirer des jouissances journalières. Outre que la boisson leur devient peut-être nécessaire pour s'étourdir sur leurs soucis, la pensée d'un homme qui peut chaque jour manquer de nourriture, est constamment ramenée sur ce qu'il mange et boit, de même que l'habitude des vigiles et des jeûnes excite à la