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Il est vrai que le désintéressement de quelques familles nobles qui, depuis plusieurs générations, n'ont point changé l'obroc, inspire assez de confiance aux paysans pour ranimer leur industrie, leur rendre le goût de l'économie et du travail, et leur permettre même quelquefois d'élever de grandes fortunes, qui dépendent cependant toujours du bon plaisir des maîtres. Aussi la Russie est-elle le seul pays où l’on voie la classe des esclaves, non seulement s'entretenir au même degré de population, mais même multiplier sans importation nouvelle. Cependant l'esclavage n’y a point changé de nature ; l'esclave peut toujours être déplacé, enlevé, vendu, dépouillé de toute la propriété amassée par son industrie ; en sorte que le régime auquel il est soumis lui rappelle sans cesse que tout ce qu'il épargne, il se l'ôte à lui-même pour le donner à son maître ; que tout effort de sa part est inutile, toute invention dangereuse, tout perfectionnement contraire à ses intérêts, que toute étude enfin aggrave sa misère, en lui faisant mieux connaître sa condition.

Nous l'avons dit, dans l'Europe occidentale, la capitation fut aussi un des premiers pas par lesquels le peuple des campagnes sortit de l'esclavage. Elle se présenta d'abord comme un moyen de racheter les corvées, elle se combina