tent déshérités. Une jalousie constante les excite contre les riches ; à peine ose-t-on discuter devant eux les droits politiques, parce qu'on craint sans cesse qu'ils ne passent de cette discussion à celle des droits de propriété, et qu'ils ne demandent le partage des biens et des terres.
Une révolution dans un tel pays est effroyable ; l'ordre entier de la société est subverti ; le pouvoir passe aux mains de la multitude qui a la force physique, et cette multitude, qui a beaucoup souffert, que le besoin a retenue dans l'ignorance, est hostile pour toute espèce de loi, pour toute espèce de distinction, pour toute espèce de propriété. La France a éprouvé une révolution semblable, dans un temps où la grande masse de la population était étrangère à la propriété, et par conséquent aux bienfaits de la civilisation. Mais cette révolution, au milieu d’un déluge de maux, a laissé après elle plusieurs bienfaits ; et l'un des plus grands, peut-être, c'est la garantie qu’un fléau semblable ne pourra plus revenir. La révolution a prodigieusement multiplié la classe des paysans propriétaires. On compte aujourd'hui plus de trois millions de familles en France, qui sont maîtresses absolues du sol qu'elles habitent ; ce qui suppose plus de quinze millions d'indi-