Page:Sismondi - Nouveaux Principes d’économie politique.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tinuels marchés a de peine à trouver sa subsistance, plus il est exposé à la séduction d'employer la tromperie. On s'est souvent plaint de ce que les gens de la campagne ne méritaient pas non plus leur réputation de bonne foi ; mais ce sont les propriétaires cultivateurs qui l'avaient établie, et elle ne doit pas s'étendre aux autres ordres de paysans : ceux-ci, appelés à vendre chaque jour leur ouvrage et leurs denrées, à ruser pour défendre leur chétive subsistance, à marchander dans tous les contrats, ont dû perdre des vertus que le propriétaire cultivateur conserve, parce que, ne faisant d'échange presque qu'avec la nature, il a moins qu'aucun autre ouvrier industrieux occasion de se défier des hommes, et de rétorquer contre eux l'arme de la mauvaise foi [1].

  1. On accuse les habitants des États-Unis d'avoir l'esprit uniquement occupé de calculs de fortune, et de ne pas apporter beaucoup de délicatesse dans leurs transactions. Ils ne connaissent cependant que l'exploitation patriarcale ; mais l’exception confirme la règle : les terres elles-mêmes sont, en Amérique, l'objet d’un constant agiotage. Le laboureur ne songe pas à se maintenir dans l'aisance, mais à s'enrichir ; il vend sa terre de Virginie pour passer dans le Kentucki ; il vend ensuite celle du Kentueki pour s'établir au territoire des Illinois. Il spécule toujours comme un courtier à la bourse. De tant d'activité, il résulte plus de richesses, mais moins de moralité : la classe qui devrait garder les anciens principes est elle-même entraînée par un mouvement trop rapide. C'est un état fort extraordinaire que celui d’une petite nation qui peuple un immense continent ; il ne faut pas le comparer à la marche lentement progressive d'une ancienne société.