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même qui n'a point de champ à lui, et qui ne pourrait pas vivre si le champ du premier ne fournissait un surplus de produit. C'est une heureuse usurpation, et la société, pour l'avantage de tous, fait bien de la garantir. Cependant, c'est un don de la société, et non point un droit naturel qui lui soit antérieur. L'histoire le prouve, puisqu'il existe des nations nombreuses qui n'ont point reconnu l'appropriation des terres ; le raisonnement le prouve aussi, car la propriété de la terre n'est point une création complète de l'industrie, comme celle de tout autre ouvrage.

Les Arabes, les Tartares, qui ne permettent point que la terre demeure à l'homme ou à la famille qui ont joui une première fois de ses dons gratuits, n'en sont pas moins scrupuleux à maintenir la propriété de l'homme sur tout ce que son industrie a créé avec ces dons gratuits de la terre. Leurs troupeaux sont bien à eux, aussi bien que les tentes qu'ils ont filées de leur laine, ou les meubles qu'ils ont façonnés des bois qu'ils ont coupés. Ils ne disputent pas davantage sa récolte à celui qui a semé un champ ; mais ils ne voient pas pourquoi un autre, un égal, n'aurait pas le droit de le semer à son tour. L'inégalité qui résulte du prétendu droit du premier occupant ne leur paraît fondée sur