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c'est payer trop cher un si mince plaisir que de l'acheter par de la fatigue. La société est exactement comme cet homme : en se partageant les rôles, elle n'a point changé les motifs qui la déterminent. Elle ne veut plus de nourriture quand il n'y a personne pour la manger, et quand personne ne croit qu'il la mangera ; elle ne veut plus d'habits quand personne ne veut en mettre davantage dans sa garde-robe, plus de logements quand personne ne veut les réserver pour son habitation.

Mais la borne que la consommation met à la reproduction se fait encore bien plus sentir dans la société que dans l'individu isolé : alors même que la société compte un très-grand nombre d'individus mal nourris, mal vêtus, mal logés, elle ne veut que ce qu'elle peut acheter ; et, comme nous l'avons vu, elle ne peut acheter qu'avec son revenu. Si l'on crée pour elle beaucoup plus d'objets de luxe que les riches ne perçoivent de revenus de leurs capitaux, ces riches auront peut-être envie de les avoir, ils concevront comment ils pourraient en tirer de nouvelles jouissances ; ils ne les achèteront pas, cependant, sous peine de se ruiner, car il faudrait pour cela qu'ils empruntassent sur leurs capitaux, c'est-à-dire, qu'ils retranchassent du revenu actuel du pauvre, et de leurs propres