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— Oh ! Monsieur Marcel ! quel service vous venez de me rendre ! Vous m’avez sauvée, Monsieur Teinturier… sauvée !… Entre moi et cet homme que vous avez si adroitement fait sortir d’ici, qui m’amusait, j’en conviens, mais qui m’est odieux à présent, il ne s’est et ne se serait jamais rien passé de grave, je vous assure. Cependant je reconnais à cette heure combien j’avais été étourdie en le recevant si tard chez moi, et en acceptant son souper à l’insu de mon mari…

— Ne parlons plus de cela, Madame.

— Au contraire, continua Catherine avec explosion, parlons-en pour n’avoir plus à y revenir, car je me sens rougir de honte rien qu’en y pensant… Il est certain que ma légèreté pouvait avoir les plus terribles conséquences. Ambroise est bon comme le bon pain ; il m’aime de tout son cœur, et je le lui rends bien, je vous jure, mais il est jaloux et violent… Si ce soir il avait trouvé cet homme chez nous… tenez, j’en frémis !…il nous aurait rompu les os à tous les deux… Et puis, quel esclandre dans le pays ? Les apparences m’accusaient, j’étais perdue de réputation, et je sens que je n’aurais pas survécu à cette honte !… Et vous m’avez tirée de là, Monsieur Marcel !… Tenez ! vous m’avez sauvé plus que la vie, vous m’avez sauvé l’honneur…

— Madame, vous vous exagérez le…

— Non, non ! je vois les choses telles qu’elles sont, allez !… Je vous dois plus encore, je vous dois le repos de mon mari, et, avec l’estime du monde, l’estime de mon enfant. Laissez-moi donc vous en remercier à mon gré et croyez qu’à jamais je vous en serai reconnaissante.

— Alors, interrogea Marcel en répondant à son étreinte et en la regardant avec un sourire dans lequel Catherine put lire son absolution, — alors vous ne me refuserez pas Angélique ?…

— Vous refuser Angélique ?… quelle question !… Puisque, — d’après ce que vous venez de dire à mon mari et dont je n’ai pas perdu un seul mot, — puisque vous aimez ma fille et que ma fille vous aime, de quel droit, pour quelle cause, tenterais-je de séparer ce que le cœur a réuni ?… Allez, Monsieur Marcel, Dieu fait bien ce qu’il