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pourpoint, la présenta toute ouverte à Ambroise, qui, après l’avoir parcourue d’un coup d’œil, se prit à sourire et murmura entre ses dents :

— Oh ! la petite rusée !… voyez-vous ça ?… sainte nitouche, va !… Pendant que nous la supposions entièrement absorbée par ses études, Mademoiselle s’occupait à se trouver un mari… et y parvenait… et un bon encore !… Allons, puisqu’elle a su si bien réussir là où nous redoutions si fort d’échouer, nous aurions tort de trop lui en vouloir. D’ailleurs ce qui est fait est fait…

Et s’adressant à Marcel :

— Tenez, Monsieur Teinturier, avec vous je n’irai pas par quatre chemins. Vous pensez bien que votre demande me flatte et que je serais heureux d’avoir un gendre tel que vous… Mais, voyez-vous…

— Quoi donc, Monsieur Ambroise ?…

— En cette matière, il n’y a ici qu’un seul maître, et ce maître… le voilà !… — acheva Ambroise en montrant sa femme qui revenait en ce moment du cellier. — Entendez-vous avec elle. Je ratifie d’avance tout ce que vous ferez ensemble. Pendant ce temps je vais à la cave tâcher de dénicher un vieux cognac sur le compte duquel je serais bien aise d’avoir votre avis… Venez-vous avec moi, Monsieur l’avocat ?…

— Comment donc ? — s’écria Andronic, qui recouvra tout-à-coup l’ouïe, la parole et des jambes. — Du cognac ?… et du vieux ?… Je n’y cours pas, j’y vole.

Catherine et Marcel purent ainsi se trouver seuls pour la première fois de la soirée.

Ils allèrent aussitôt l’un à l’autre, et, avant que Marcel eût pu commencer à parler, Catherine s’emparait de sa main, la baisait à plusieurs reprises, malgré sa résistance, et en même temps lui disait, les yeux humides et la voix tremblante d’émotion :