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Tous les deux portaient à peu près le même costume : celui des étudiants à cette époque, et paraissaient avoir le même âge, c’est-à-dire de vingt-deux à vingt-trois ans ; mais là s’arrêtait entre eux la ressemblance.

Le premier qui se montra avait une taille avantageuse et bien prise, des traits fins et réguliers, un teint mat mais transparent, une chevelure brune, soyeuse et légèrement ondulée, les yeux noirs, le sourire doux, les manières graves mais gracieuses, enfin le regard profond de l’homme habitué aux méditations de l’esprit et qui sait lire dans la pensée d’autrui aussi bien que dans la sienne.

C’était, en résumé, un remarquable échantillon de cette belle race phocéenne que deux mille ans passés ne sont point parvenus à abâtardir.

C’était la force tempérée par la grâce.

Bien différent de lui, son camarade était petit, trapu et fortement charpenté. Il avait des jambes nouées au genou, des extrémités trop grosses pour la taille et une figure de masque antique sur une encolure de taureau.

En vain se serait-on évertué à rechercher à quelle branche de la famille humaine il pouvait se rattacher. C’était un composé de tous les types connus et, par cela même, il n’en représentait aucun.

S’il avait, en effet, le teint rosé et la chevelure blonde de la race visigothe, dont on trouve encore de si nombreux spécimens dans le Midi, il n’en avait en retour ni les yeux, ni les traits, ni la stature, ni la morbidesse.

Au contraire, tout en lui décelait la vivacité. la pétulance et un fonds inépuisable de gaîté railleuse qui, malgré la vulgarité de ses traits, donnait à sa physionomie une expression peu commune. Rien qu’au premier regard, on devinait qu’un esprit fin et délié devait habiter sous cette forme épaisse.

— Messieurs, leur dit Ambroise aussitôt qu’ils eurent franchi le seuil de la porte, j’ai appris que vous étiez allés vous coucher sans souper, et, quoique je n’aie à votre service qu’un morceau de jambon et une tranche de saucisson, je me suis permis de vous éveiller pour vous offrir de partager ma piètre réfection.