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La grande invasion.

une précision géographique la limite d’avancement où elle doit s’arrêter. « Il est inutile, disait encore le manifeste, d’appeler l’attention sur l’intérêt évident qu’a la Russie à ne pas étendre son territoire. »

Après ces paroles officielles, on était autorisé à croire que la Russie s’était imposé à elle-même le devoir de répudier toute idée d’annexion ultérieure dans l’Asie centrale. Les sabres des Cosaques allaient se changer en faucilles ; un nouveau millénaire s’inaugurait. Les Cosaques et les Turcomans n’avaient plus qu’à se caresser la barbe et à dormir en paix côte à côte. À Saint-Pétersbourg, on n’allait plus prendre souci que du développement commercial et des intérêts de la civilisation[1]. Disons-le tout de suite : en Russie même, personne, à moins d’y être contraint officiellement, n’escompta, au profit des Asiatiques, ces belles promesses de Gortschakoff écrites sur un papier destiné à être jeté presque aussitôt au panier. Les généraux russes sourirent en lisant le factum littéraire du chancelier, et ils haussèrent les épaules en pensant à la naïveté des puissances européennes et surtout de l’Angleterre, qui se laissait complaisamment mettre un si beau bandeau sur les yeux[2]. Le général Tchernaïeff, qui dirigeait les opérations militaires du Turkestan, n’attendit pas que le prince Gortschakoff eût lancé un second manifeste. Sous prétexte d’opérer

  1. Fréd. Burnaby, A Ride to Khiva.
  2. Col. Venukoff, Revue militaire de la campagne du Khokand, ouvrage russe.