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La grande invasion.

Russes lorsqu’éclata la guerre de Crimée. Qu’il nous suffise de rappeler qu’elle eut pour cause véritable l’antagonisme de la Russie et de l’Angleterre, et que la France, en faisant le jeu du cabinet de Londres, fit avorter les desseins de Nicolas.

« Tendre aussi loin que possible vers Constantinople et vers l’Inde ; dans ce but, susciter des conflits continuels et faire la guerre tantôt avec la Turquie, tantôt avec la Perse ; établir des magasins d’approvisionnement sur la mer Noire ; précipiter la ruine de l’empire persan et s’avancer jusqu’au golfe Persique ; reconstruire la voie commerciale de l’Orient et pousser jusqu’aux Indes, où est l’entrepôt du monde[1] : une fois arrivé là, vous n’aurez plus à craindre l’or de l’Angleterre. » Telle était la pensée du tsar : pensée exprimée dans un document attribué à Pierre le Grand et considérée comme la ligne de conduite dictée par le fondateur de l’empire à ses héritiers. À vrai dire, ce document, reconnu aujourd’hui comme apocryphe, n’avait aucune valeur historique ; mais il était en si parfaite harmonie avec la politique du vainqueur de Charles XII et surtout avec celle de Catherine II, qu’il a longtemps passé pour authentique et qu’en 1853 tout le monde était disposé à l’admettre comme tel. Les Anglais, surtout, feignirent d’y ajouter foi, et exploitèrent cet aveu de la Grande invasion. Pour eux, le coup longtemps médité et enfin frappé par Nicolas, le 30 novembre 1853, à Sinope, ne visait pas seulement la Turquie : il était dirigé également contre les

  1. Testament apocryphe de Pierre le Grand, publié en 1853.