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nations, la justice, la sympathie, la liberté étaient refusées sans scrupule aux trois quarts de la population. Les › plus grands esprits ne voyaient dans cette spoliation qu'un fait naturel et nécessaire, une condition inhérente à l'état social. C'est le principe et le fait chrétiens par excellence d'avoir chassé de la pensée humaine cette iniquité, et d'avoir étendu à l'humanité tout entière ce droit à la justice, à la sympathie et à la liberté borné jusque-là à un petit nombre et subordonné à d'inexorables conditions. L'unité de Dieu maintenue chez les Juifs, l'unité de l'homme rétablie chez les Chrétiens, à ces traits éclatants se révèle l'action divine sur l'humanité. »

Il se peut très bien, et cela a eu lieu effectivement, que chez les plus glorieuses nations, à Athènes, à Rome, à Lacédémone, les étrangers, victimes d'un farouche orgueil, aient été réduits à l'état d'esclaves et traités sur un pied d'inégalité avec le reste des citoyens. Mais il n'en fut pas ainsi dans le petit pays de la Judée où les étrangers, pourvu qu'ils promissent d'observer les septs préceptes donnés aux enfants de Noé[1], avaient droit à la protection des lois et vivaient tranquillement, librement, sous leur tutelle. Ce n'est pas ici le lieu de le prouver. Nous aurons encore une fois occasion de revenir sur ce sujet. Pour le moment, nous nous contentons d'opposer à Guizot l'autorité même de Bossuet. Celui-ci, nous venons de le voir, contredit positivement l'affirmation si tranchée que l'unité de l'homme soit un fait purement chrétien. Et vraiment, quand on a accepté comme une vérité historique l'origine assignée par la Bible au genre humain ; quand on croit avec elle qu'il est sorti d'une seule et personne, de laquelle Dieu tira jusqu'à la première femme, comme pour mieux faire croire encore à notre communauté de

  1. Voir ci-dessus, p. 5, 17.