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de Dieu, voilà les points qui, dans la pensée de Bossuet, élèvent tant le Christianisme aux dépens du Judaïsme. Mais l’aigle de Meaux semble hésiter à conserver définitivement ces divers points. Son langage, d’ordinaire si ferme, si serré, si entraînant, prend, quand il parle de la charité, de l’immortalité de l’âme et de la vie future au point de vue de la Bible, un ton d’indécision, d’incertitude et de réticence vraiment significatif. On y sent comme le combat entre le désir de vouloir prouver et l’impossibilité de le faire. Comment, en effet, la grande âme de Bossuet eût-elle pu dénier à la religion juive la gloire d’avoir, la première, proclamé le principe fécond de la charité dans ce qu’il a de large et d’universel, puisqu’en parlant de la création de l’homme, l’éloquent évêque n’avait lui-même pu s’empêcher de s’écrier : « Voilà donc l’homme formé ! Dieu forme encore de lui la compagne qu’il veut lui donner. Tous les hommes naissent d’un seul mariage, afin d’être à jamais, quelque dispersés et multipliés qu’ils soient, une seule et même famille[1]. »

Comment, d’un autre côté, eût-il pu oublier les paroles par lesquelles la Genèse proclame l’âme humaine d’origine et d’essence divine et, à ce titre, lui donne implicitement l’immortalité en partage ? Lui qui savait lire la Bible comme peu la savent lire, il sentait bien que ce livre n’est si élevé, ni si unanimement révéré, que parce qu’on y reconnaît l’homme dans toute la vérité de sa nature, avec ses grandeurs, ses faiblesses et ses aspirations continuelles vers l’infini. Aussi finit-il par concéder au Judaïsme l’honneur d’avoir, le premier, parlé des promesses de la vie future : « Dieu, dit-il, en avait répandu quelques étincelles dans les anciennes Écritures. Salomon avait dit que, comme le corps retourne à la terre d’où il est sorti, l’esprit retourne à Dieu qui l’a donné. Les patriarches et les prophètes ont

  1. Discours sur l’histoire universelle, Il partie, chap. I.