Dieu n’a pas dominé en toi, tu seras frustré absolument de toutes tes espérances[1]. »
Craindre Dieu, d’après cela, ce n’est donc rien autre chose que de laisser se produire dans nos cœurs ce naturel pouvoir qui, destructeur de l’orgueil humain, grandit toujours à mesure que nous acquérons une idée plus parfaite de l’Être suprême. Il ne peut plus s’agir ici de frayeurs, mais bien plutôt d’amour et de respect. Sans doute la certitude que Dieu peut le priver en un clin d’œil des biens dont il enrichit, qu’il peut le laisser retomber de toute la hauteur où il l’a élevé et même le faire rentrer dans le néant, cette certitude inspirera toujours au juste une espèce de terreur involontaire ; mais cette terreur n’a point pour effet, comme la terreur du méchant, de le rendre sombre et inquiet. Elle le remplit, au contraire, de je ne sais quel nouvel esprit de piété, de quel nouveau sentiment d’attachement pour Dieu. Ce n’est jamais le châtiment qu’il craint, mais la réprobation divine. Savoir qu’il a offensé Dieu, est déjà pour lui la plus sévère des punitions. Alors il marche avec prudence, circonspection, sinon plein de quiétude, du moins plein d’espérances. La crainte de pécher le rendra attentif à ses moindres actions. Aussi peu lui importera de mourir ; la mort n’a rien de terrible pour lui ; il espère se réveiller dans une autre vie. Comme Jonas au fond du vaisseau ballotté par la tempête, il s’endort avec confiance. Comme lui il s’écrie : « Je suis Hébreu et je crains Dieu Créateur des eaux et de la terre. Je ne redoute pas la fureur des vagues ; rien ne saura m’atteindre si Dieu me pardonne mes fautes[2]. »
Le Talmud rapporte : « Quand Rabbi Jochanan, fils de Zaccaï, fut malade, ses disciples vinrent le voir. En le quittant