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L’ÉCRIN DISPARU

vous avez voulu le faire chanter selon le mot de votre ignoble argot. Et je ne doute pas que pour lui faire connaître Rodolphe Raimbaud qu’il recherchait depuis si longtemps, vous ne l’ayez contraint à vous payer une somme exorbitante.

— Et puis après ? dit insolemment le détective.

Devant le débordement de cette impudence, Hippolyte sentit tout son être se crisper et le sang lui sauter au visage.

Se réfrénant avec peine, il ajouta cependant :

— Ce qui est fait est irréparable !… Pour ce qui concerne l’avenir, du moins, vous allez me promettre de ne jamais parler, à âme qui vive, du secret que vous connaissez. — À ces conditions, je consentirai peut-être à oublier le rôle odieux qui fut le vôtre, dans les circonstances que je viens de mentionner.

Le détective de nouveau, esquissa son petit ricanement :

— Tiens… tiens… voilà une belle affaire, à laquelle je n’avais pas encore songé !… Magnifique… C’est uniquement pour m’intimer l’ordre de me taire, que vous faites le voyage ?

— Précisément.

— N’oubliez pas que je suis homme d’affaires. Combien m’offrez-vous pour me fermer la bouche ?

— Comment ! s’écria Hippolyte indigné !…

— Mais certainement, jeune homme : « Business is business ». Justement je m’en voulais de n’avoir pas demandé davantage à votre Maître… Or, voilà que bénévolement, vous me tendez la perche… je serais bien fou de ne pas la saisir. — Ah ! vous tenez tous deux au silence. Très bien les amis : mais sachez que tout ce qui a du prix se paye. À votre tour de me payer pour me taire, car j’entends bien que se réalise le proverbe disant que si

« La parole est d’argent, le silence est d’or. »

Et dans le regard narquois du coquin, où éclatait l’insolence d’un triomphe assuré, le jeune homme comprit quelle faute il venait de commettre en se livrant pieds et poings liés à un escroc de cette trempe.

Pâle de colère, Hippolyte fit un pas vers le détective :

— Vous n’aurez rien !… entendez-vous, rien !… et… vous vous tairez, sinon…

— Sinon quoi ? reprit l’autre, narquois.

Le détective, de nouveau sourit dédaigneusement, s’amusant à faire tomber avec négligence la cendre de son cigare.

— Ah ! mon Dieu… murmura le jeune homme atterré, en voyant enfin l’impasse où il s’était fourvoyé.

Giraldi a des amis puissants… et la police saura vous faire garder la discrétion…