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L’ÉCRIN DISPARU

rouler les sites pittoresques des Montagnes bleues, quand il se sentit frapper sur l’épaule. Il se retourna, pâlit légèrement : Hippolyte était devant lui.

— Enchanté de vous revoir, cher Monsieur, dit le jeune homme avec calme. J’avais négligé de vous féliciter et de vous remercier l’autre jour ; je tiens à réparer cet oubli.

— Monsieur et cher client… commença le détective…

— Je tenais également reprit Hippolyte, à savoir combien vous a rapporté l’infamie que vous venez de commettre…

— Mais !… Monsieur…

— Oui, oui… je sais tout. Vous vous demandez sans doute comment je me trouve ici en ce moment ? C’est fort simple. Je sortais de chez Monsieur Giraldi, où je venais d’assister à une scène des plus pénibles. Grâce à votre vilenie, en effet, Mademoiselle Giraldi connaît à présent la faute de son père, ce qui ne doit pas vous affecter beaucoup ; mais ayant le cœur mieux placé que le vôtre, je n’ai pu supporter le spectacle de ces deux effondrements et sentant que ma présence serait une gêne, pour ces deux êtres endoloris, je résolus de fuir…

À ce moment, le train venait de s’engager dans une longue vallée, dont la dévastation des feux de forêts, s’était ajoutée aux dégâts causés par le débordement de la rivière.

— Mais, je ne vois pas…

— Patience, Monsieur, j’y arrive !…

J’étais sur le Carré Dominion, quand j’eus l’avantage de distinguer votre singulière silhouette, au moment où vous quittiez le taxi. Aussitôt, me vint l’idée, que j’avais une explication à avoir de vous et je vous suivis.

Vous preniez le train, j’y montai à votre suite. Bref, depuis Montréal, j’ai eu le plaisir de voyager en votre compagnie, bien qu’à votre insu : cela se comprend, vous étiez si absorbé…

Un moment déconcerté, Précy retrouva vite son aplomb. Il avait deviné où voulait en venir le jeune homme. Haussant les épaules d’un air de dédain solennel, il se mît en mesure d’allumer un cigare en se dirigeant vers le salon des fumeurs. Son cigare allumé, avec une placidité affectée, il ajouta d’un ton traînant :

— Je ne vois pas, Monsieur, en quoi et pourquoi je vous dois des explications !…

— En quoi ? et pourquoi ?… Parce que vous êtes un misérable. un cœur vil et lâche, prononça Hippolyte les dents serrées, ayant peine à se contenir. Monsieur Giraldi ne m’a pas tout détaillé ; mais je devine, qu’exploitant sa situation inextricable,