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L’ÉCRIN DISPARU

ma chambre, où j’arrivai épuisé, anéanti. Combien de temps y suis-je resté inconscient ?… Quand je revins à moi, jetais encore sur le lit où je m’étais affalé en entrant.

Me venger ? je n’y songeais plus ; j’aurais presque voulu pardonner ; car, ayant été coupable, moi aussi, il me semblait que ce pardon généreusement accordé, solderait ma dette envers Dieu, selon la promesse du Pater : « Pardonnez et on vous pardonnera. »

— Noble sentiment, mon enfant, dit le prêtre qui écoutait, anxieux, oubliant la triste révélation, pour ne plus songer qu’à la douleur qui était là…

— Mais, en y réfléchissant, Monsieur L’Aumônier : « Pardonner » ?… je ne puis.

— Il le faut, mon cher enfant.

— Monsieur l’Aumônier, vous ne saisissez pas le fond de ma pensée : Je consens bien à pardonner, mais puis-je le faire, si je veux me réhabiliter et rendre à mon vrai nom l’honorabilité à laquelle il a droit ?

Vouloir reprendre mon nom, vouloir dire à tous ceux qui me croient coupables : Je suis innocent, ce n’est pas se venger cela ? n’est-ce pas Monsieur l’Aumônier.

— Je ne crois pas mon enfant.

— Mais alors, pour me disculper, je dois dénoncer le vrai coupable, accuser l’autre, sinon, je ne serai pas cru.

— Ciel, s’écria le prêtre, quel terrible dilemme !…

— Honneur pour honneur, Monsieur l’Aumônier, lequel doit prévaloir : celui de l’innocent ou celui du coupable ?… celui de monsieur Giraldi, ou le mien ? — Car, ou bien je parle, et alors, du piédestal de sa gloire usurpée, l’homme puissant tombe dans le mépris public ; ou bien je me tais, et c’est moi qui suis victime et demeure déshonoré à jamais !… pas de milieu.

— Mon pauvre ami, soupira l’Aumônier, voilà justement ce à quoi je pensais, il y a quelques instants…

— Voilà que vous savez tout maintenant ; que dois-je faire ?… Moi, je ne sais plus… je vous écoute… montrez-moi la voie que je dois suivre.

Le prêtre comprend, il ne saisit que trop bien l’inextricable situation du malheureux jeune homme. Quel chemin montrer, quel conseil lui donner ? — Il ne répond pas, son esprit cherche dans la prière, la solution d’une impasse humainement insoluble. Qu’elle est lourde parfois, cette responsabilité du prêtre, confident de tant de drames obscurs, arbitre de conflits