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L’ÉCRIN DISPARU

— Très bien alors ; pour prendre les choses par le début, je vous dirai que vers une heure et demie, j’étais ici-même, lorsque je vois entrer un homme entre deux âges, le visage entièrement rasé et portant d’énormes lorgnons à verres teintés, ce qui lui donnait plutôt l’apparence d’un comédien.

Puis, très poliment du reste, mais sans le moindre préambule, ne voilà-t-il pas qu’il se met à me conter une histoire extraordinaire, où je n’ai pas compris grand’chose, mais qui m’a paru singulière…

Il faut d’abord vous dire que mon prédécesseur est mort en des circonstances assez tragiques, par la faute de son unique enfant, lequel a disparu depuis, sans qu’on pût savoir ce qu’il est devenu.

En réalité, je n’ai connu ces choses que par ouï-dire, mais il paraît qu’elles sont véridiques.

— J’en ai entendu parler, dit Hippolyte avec précipitation… Mais quel rapport ?…

— Voici, interrompit l’horloger : mon visiteur a commencé par me faire savoir qu’il était un vieil ami de monsieur Raimbaud ; que malheureusement il était à l’étranger quand celui-ci mourut, et qu’étant revenu au Pays depuis peu, il comptait descendre chez son ami et y séjourner quelque temps, lorsqu’il apprit sa mort avec les circonstances qui l’avaient accompagnée…

Or, continua le personnage, il faut que vous sachiez que cette maison, qui appartenait à mon ami, avait été celle de mes parents. J’y suis né, j’y ai passé une partie de mon enfance ; aujourd’hui que je sens déjà le poids de l’âge, ce me serait un réel plaisir de revoir une dernière fois, si vous vouliez bien me le permettre, tous ces lieux familiers à ma jeunesse, dans cette résidence qui a gardé pour moi tant de charmes.

— Alors, interrogea Hippolyte ?

— Alors, continua l’horloger, vous comprenez si j’étais pas mal interloqué !… mais vu le ton poli et les arguments de mon visiteur, je ne pouvais décemment refuser l’objet de sa requête.

Je l’ai conduit successivement dans toutes les pièces de notre appartement, puis au jardin : finalement, revenu dans la salle à manger, il a accepté avec gratitude un rafraîchissement. Il m’a beaucoup parlé de mon prédécesseur, dont il n’a dit que du bien, s’informant surtout des circonstances de sa mort qu’il pouvait ignorer.