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L’ÉCRIN DISPARU

minutie un accident, d’où sans miracle, il n’aurait pu sortir vivant.

Il avait fini de narrer, que tout le monde l’écoutait encore, si grand était le charme de sa parole sobre et nette, si puissant l’intérêt attaché à sa téméraire aventure. Sincère d’ailleurs, il n’avait dissimulé ni sa crainte, ni ses angoisses, lorsque pendant deux heures entières, il s’était vu loin de tout secours humain suspendu entre la vie et la mort.

— Tout de même conclut-il avec simplicité, c’est dans ces moments-là qu’on se souvient qu’il y a un Dieu.

— Vous avez pensé au bon Dieu, demanda Lucie qui jusque-là n’avait presque rien dit.

— Oui Madame, et j’ai prié comme j’aurais dû le faire bien plus souvent dans ma vie.

Toujours joviale, Madeleine laissa tomber sur le Secrétaire, qui lui en imposait un peu, un regard moins timide. Elle aurait cru que ce jeune homme, à l’apparence austère sous sa barbe noire, était plutôt sceptique que dévot ; mais elle eut la sagesse de garder pour elle-même son sentiment.

Comme la journée était idéale, on avait servi le café au jardin, sous la tonnelle, qu’affectionnait le Maître. Appelé par les exigences de son ministère, l’Aumônier avait dû se retirer de bonne heure. Pleins de déférence pour leur hôte distingué, les époux Giraldi l’avaient accompagné jusque sur la rue.

Il y avait eu un instant de silence gêné, quand les trois jeunes gens s’étaient trouvés seuls. Jean eût voulu reprendre ses courses avec sa sœur à travers les allées et les bosquets. Il aurait fallu qu’on lui expliquât qu’il n’était pas convenable qu’une grande fille jouât comme un enfant, devant un étranger.

Mais Madeleine, rompant le silence, dit tout à coup d’un petit air dégagé :

— Monsieur Paillard, vous allez trouver sans doute que je suis un peu hardie.

— Et pourquoi Mademoiselle ?

— Parce que je vais me mêler de choses qui ne me regardent pas !…

— Et lesquelles donc ?

— Eh bien ! voilà : Tout à l’heure, vous avez affirmé que vous aviez prié le bon Dieu, ce qui m’a fait plaisir, ajouta-t-elle ingénument, car je vous croyais plutôt sceptique.

— Me permettrez-vous, Mademoiselle, de vous demander sur quoi vous basiez votre opinion ?