Page:Simon - L'écrin disparu, 1927.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
L’ÉCRIN DISPARU

— Voici : quelqu’un met de suite dix mille dollars à ma disposition.

— Mais quel est donc cet ami si généreux ?

Léo eut un geste ennuyé.

— C’est tout ce que je puis te dire pour le moment. J’ai promis le secret et un secret absolu : je veux bien que ce soit une sorte de manie chez moi, mais que veux-tu, chose promise… est sacrée.

On ne m’impose pas d’autres conditions que le remboursement avec les intérêts dans un an. J’avoue que j’aurais préféré recevoir un secours d’ailleurs !… mais les circonstances ont souvent une grande influence sur nos décisions…

Lucie déconcertée, se taisait un peu triste : pour la première fois, son mari lui cachait quelque chose.

— Oui, reprit-il : qui veut la fin, veut les moyens ; il faut savoir se décider. Avec rien, on ne fait rien. — Je rencontre ma chance, j’en profite ajouta-t-il en guise de justification.

Frappé du silence plutôt improbateur de sa femme, Giraldi questionna :

— Et tu ne dis rien de tout cela ?

— Que veux-tu que je dise, mon ami ? Tu parles de cette décision comme d’un fait accompli, il n’y a pas à revenir… Je pense te connaître assez, pour savoir que cette aide que tu as acceptée n’est pas incompatible avec ta dignité…

Léo prit un petit air détaché, qu’elle ne remarqua point.

— Évidemment… mais la question n’est pas là, ou plutôt… Du reste, je ne te cacherai pas qu’en cet instant décisif où il me fallut quitter le domaine de l’idée pour entrer dans celui de la réalisation, j’éprouvai une indicible appréhension… Si je m’étais trompé, si j’avais failli… L’oubli d’un détail, d’un rien suffit à rendre vaines les conceptions les plus ingénieuses. Mais cela, qui eût pu me le dire, sinon l’expérience ? Du reste, je ne risque pas grand’chose.

— Mais pardon, reprit tranquillement Lucie. Je ne te reconnais plus mon ami : tu risques pour le moins de nous endetter de dix mille dollars, trouves-tu que ce soit peu de chose ?…

— Nous endetter… nous endetter… ?

Il semblait ne pas comprendre. — Puis soudain :

— Oui, si je me trompais !… mais tu peux m’en croire, je suis sûr de mon coup ; d’ailleurs… tu verras… tu verras…

Et c’était quelque temps après ce beau jour d’été passé au bord de l’eau et qui aurait dû être un délassement, que Léo