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L’ÉCRIN DISPARU

paraissaient encore aux poignées métalliques des deux tiroirs de droite. C’était en effet, cette même table de travail sur laquelle, quelques semaines auparavant, monsieur Raimbaud, en tombant, avait heurté du front et ouvert cette fatale blessure qui n’avait pas eu le temps de se cicatriser.

En un clin d’œil, le drame sanglant avait reparu à ses yeux accélérant les battements de son cœur. Après avoir téléphoné à la « Canadian Express Company » et donné l’ordre pour le transfert du meuble à son domicile, Léo regagna un peu en retard son Bureau de travail.

Comment s’y prendrait-il, pour balancer son budget du mois, que cette nouvelle acquisition allait obérer assez lourdement ?

C’était la pensée qui avait occupé son esprit toute cette journée-là.

Au retour, Giraldi, comme d’habitude, avait trouvé sa famille souriante, n’attendant que son arrivée pour le repas du soir. Avant de faire compliment à son mari, Lucie s’était informée du prix d’achat qu’elle trouva fort raisonnable.

Le repas, égayé par le joyeux babil des enfants, touchait à sa fin. Cette belle journée de juin, s’achevait dans une paix sereine. La douce brise du soir descendant du Mont-Royal apportait les premiers arômes des fleurs estivales. Les clameurs aiguës des enfants jouant aux alentours, ajoutaient leurs notes charmantes au paisible tableau d’une famille où règnent l’union et la confiance mutuelle.

Et plus que tout autre, Giraldi aurait goûté, avec sa sensibilité d’artiste, la joie qui émanait de cette soirée de renouveau, si proche encore d’un hiver canadien long et rigoureux, s’il avait pu entrevoir comme prochain, la réalisation de ses rêves d’avenir. Attendre… attendre encore… attendre toujours… Faudrait-il donc qu’il passât toute sa vie dans cette attente ?…

Pendant que Lucie active s’affairait pour le coucher des enfants, il résolut d’aller dans sa chambre, installer à la place la plus favorable, son acquisition du matin. Faisant abstraction du souvenir lugubre que ce meuble aurait pu rappeler, il se louait de la commodité qu’il en éprouverait et se disposait à y ranger ses papiers et ses documents. Mais, remarquant la quantité de poussière accumulée dessous, ou en arrière de certains tiroirs, il résolut de faire un nettoyage à fond.

Chaque casier fut ainsi visité et nettoyé. Le travail s’acheva par le plus grand tiroir, en bas et à droite. Or, entre le fond du meuble et celui de chaque tiroir, il y avait un espace de