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L’ÉCRIN DISPARU

Enfin une vague mémoire du Prodigue de l’Évangile lui revint en pensée, et aussitôt, il se leva. Son parti était pris : peut-être que son père n’était pas mort. Et cet écrin, si mystérieusement disparu !… nul autre que lui et son père n’en savaient l’emplacement… qui donc aurait pu le dérober ?… Peut-être lui-même, ne l’avait-il pas remis à sa place primitive ; peut-être, dans sa stupéfaction, Monsieur Raimbaud, comme affolé, avait-il mal cherché, n’ayant pas eu l’idée de regarder partout… Alors, lui, Rodolphe, allait retourner à la maison, il retrouverait l’écrin, et le brandissant triomphalement, dirait à son père :

— Vous voyez bien, père, que je ne vous avais pas menti ; vous aviez mal cherché, voilà tout : votre fils n’est pas aussi méchant que vous le pensiez. Il faut me pardonner cette fois encore, car je vous le jure ce sera la dernière occasion que vous en aurez. Je me repens, je veux changer ; vous allez guérir et ensemble, nous vivrons heureux ; un jour vous serez fier de celui qui vous a causé tant de chagrin durant sa jeunesse.

Sous l’empire de ces pensées généreuses et réconfortantes, malgré l’épuisement où il se trouvait, Rodolphe avait repris le chemin de la ville. Il avait hâte d’en finir avec ce cauchemar affreux ; son cœur n’était pas encore endurci : confusément, il songeait à Dieu qu’il avait oublié, à sa mère chérie, à son père, dont il allait être le sauveur, peut-être la gloire un jour, et il marchait d’un pas résolu.

Tout à coup, il s’arrête : ses jambes semblent fléchir, le courage l’abandonne ; est-ce la fatigue qui l’accable ?… — Non… une soudaine pensée de désespoir a traversé son âme :

— Même si je retrouve L’ÉCRIN, on ne me croira pas ; on pensera que je l’avais volé et qu’ensuite, je l’ai remis en feignant de le retrouver… Et impitoyable par sa logique, cette idée, était impossible à réfuter. On ne verrait dans sa démarche généreuse qu’un mensonge de plus et une scène ajoutée à cette indigne tragédie. Non, personne, pas même son père, supposé vivant, n’aurait foi dans ses dires. Il ne pouvait donc retourner à la ville… La situation était affreuse, inextricable. C’était fini… bien fini…

Et derechef tournant le dos à la Cité, il revint sur ses pas, cherchant l’ombre pour s’enfoncer de plus en plus dans l’obscurité, comme dans un refuge.

Il n’espérait plus rien, il ne pleurait pas ; dans son égarement, il remuait des pensées confuses, faites de remords et de stupeur. Par moment, il aurait voulu prier : « Mon Dieu… mon Dieu… » étaient les deux seuls mots qui s’échappaient de